Beaucoup s’interrogent sur la manière dont les préoccupations environnementales vont modifier la conception architecturale. L’application sans imagination des nouvelles normes de réglementation thermique produit pour l’instant surtout des bâtiments empesés dans une gangue de matériaux mal assemblés, des sortes de congélateurs habillés de bardage bois et percés de meurtrières. Pas la peine d’être un spécialiste pour prévoir que ces bâtiments coûteront cher à transformer lorsqu’ils ne seront plus adaptés à leurs usages. Parions même qu’il faudra probablement les détruire, annihilant ainsi, quelques décennies plus tard, les maigres avantages obtenus par le respect zélé de la pénultième RT.
Que nous apprennent par ailleurs – alors que l’on continue à y construire pléthore de bureaux – les 3,3 millions de mètres carrés de bureaux qui restent vacants en Île-de-France ? Non pas qu’il y aurait inadéquation entre quantité offerte et quantité demandée, mais plutôt inadéquation entre la qualité exigée et la qualité de ce qui reste sur le marché. Que cet immobilier délaissé soit obsolète quant aux usages ou aux performances n’est pas grave en soi, c’est le destin naturel des constructions fonctionnalistes. Le problème réside plutôt dans l’incapacité de ces bâtiments, souvent en bon état, à être réhabilités ou transformés à un prix inférieur ou même équivalent à une opération de destruction/reconstruction. Une problématique qui se retrouve posée dans des termes presque équivalents lorsqu’il s’agit de réhabiliter les logements.
L’enseignement que l’on peut facilement tirer de cette situation est qu’un bâtiment n’est « durable » que si sa métamorphose est économiquement intéressante mais aussi lorsque sa transformation, de par sa qualité originale, offre l’opportunité d’un projet où l’architecture pourra s’épanouir de multiples potentialités. Pour rendre cette mutation possible, il faut que la conception originale soit – structurellement autant que thermiquement parlant – le fruit d’une pensée constructive suffisamment subtile et que l’espace ne soit pas dimensionné au minimum fonctionnel. Il faut donc de l’imagination, du temps de réflexion en amont, des volumes un peu plus grands que le strict nécessaire, soit un léger surinvestissement budgétaire qui génèrera un énorme gain économique autant qu’écologique à moyen et long terme. Certes une évidence, mais si peu partagée.
Emmanuel Caille
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