Dans notre imaginaire, le monument est associé à des édifices emphatiques ou à des tombeaux. L’idée de le qualifier de « vivant » peut donc surprendre, comme si les deux termes étaient antinomiques, car nous viennent à l’esprit une pyramide, une cathédrale ou une villa Savoye, bâtiments qu’il serait inconcevable de modifier. Le monument, « chose dressée pour la mémoire du futur », est souvent fétichisé au nom d’un passé idéalisé, enserré dans une nostalgie mortifère. En inscrivant le Bassin minier du Nord-Pas de Calais sur la Liste du patrimoine mondial au titre de « paysage culturel, évolutif et vivant », l’UNESCO et ceux qui ont bataillé pour cette inscription se sont judicieusement démarqués de cette vision passéiste. Le patrimoine ne peut plus se réduire à une collection d’icônes instagrammables destinées à être vénérées par des hordes de touristes comme des reliques.
Cette nouvelle manière d’envisager les questions patrimoniales fait écho à la révolution qui ébranle le monde de l’architecture depuis quelques années. Si la conception spatiale et l’intelligence constructive restent bien sûr les qualités essentielles qui légitiment le rôle social de l’architecte, les nouvelles générations sont beaucoup plus investies dans une vision élargie de leur mission. Liée aux enjeux environnementaux, cette prise de conscience politique – que l’on retrouve chez la majorité des lauréats du Prix d’architectures – témoigne d’abord d’un attachement fondamental aux questions de la préservation du bâti existant et à sa potentialité de générer des processus de projet au-delà de la commande initiale. Un élargissement aussi spatial – le paysage alentour – que relationnel, dans le dialogue qu’il tente d’instaurer avec les édiles ou les habitants.
De l’Artois au Valenciennois, le Bassin minier est un paysage dont l’histoire a généré une richesse sédimentaire considérable, tant les trois derniers siècles y ont imprimé de bouleversements. Des riches terres agricoles à la révolution industrielle et ses mines de charbon, des guerres destructrices aux reconstructions et aux crises économiques, la région repose sur un patrimoine – tant humain que paysager – au formidable potentiel. Ce n’est pas tel puits de mine, terril ou même coron qui justifie cette patrimonialisation, mais la potentialité de relation et de transformation qui les unit à l’échelle du paysage. En ce sens, on peut dire que ce qui fait la richesse patrimoniale de cette inscription est encore à venir et c’est pourquoi elle relève pleinement de l’architecture.
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