Le drame des architectes, c’est qu’ils s’enorgueillissent de construire pour tous et notamment les plus démunis, quand seuls les riches font appel à leur talent. Comment préserver sa posture morale en concevant des flagships, des sièges d’entreprise ou des fondations d’art contemporain quand on laisse des millions de mal-logés vivre dans la précarité ? Rien d’étonnant donc qu’après les années bling-bling anathématisées par la crise de 2009, de nouveaux héros aient émergé : hérauts du sustainable, de la frugalité et du projet participatif. La consécration de cette génération fut sans conteste l’élection de son plus bel hidalgo, le Chilien Alejandro Aravena, au Pritzker et au commissariat de la Biennale de Venise. Et dans la corderie de l’Arsenal et dans les Giardini, la beauté du presque rien et l’émotion que peut provoquer la générosité de l’engagement est, cet été, bien au rendez-vous. Certes, l’art de réinventer la poudre sous un jargon habilement réactualisé reste le sport favori des Biennales mais, rassérénés par tant de bons sentiments, les architectes ont enfin pu cette année ressortir sans culpabilité et se payer un spritz et des spaghetti alle vongole.
Chacun y va de sa posture, il y a les pionniers et ceux qui se raccrochent au train, non sans talent parfois, il y a surtout ceux qui font l’économie d’une simple mais fondamentale interrogation sur leur projet : sa capacité à répondre efficacement à l’immensité des besoins. Car combien de ces projets seront finalement parvenus à améliorer la vie d’un nombre significatif de personnes ? Au-delà de sympathiques opérations caritatives mises en œuvre par des étudiants scandinaves débarqués d’un Airbus, l’impact de ces expériences reste dramatiquement dérisoire. Faut-il pour autant condamner leur action ? Non, car peut-être que ce qu’elles nous montrent relève d’un ordre qui n’est pas celui de la rentabilité compassionelle, par exemple lorsqu’elles parviennent à se saisir des « ruines du présent » – comme les nomme si justement Marc Armengaud1 – pour en faire la matière d’une nouvelle architecture. Cette architecture qui imperceptiblement semble prendre forme au bord de la lagune.
1. Voir p. 31.
Emmanuel Caille
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