Les maisons oui, mais groupées : Des logements sociaux en Ardèche, par Construire

Rédigé par Raphaëlle SAINT-PIERRE
Publié le 23/06/2016

les pilotis dégagent sous la maison un espace aménageable à terme

Dossier réalisé par Raphaëlle SAINT-PIERRE
Dossier publié dans le d'A n°246

Les maisons groupées n’offrent pas seulement une alternative aux lotissements en zone périurbaine, elles peuvent aussi aider à combattre l’installation de pavillons éparpillés de manière diffuse en milieu rural. Après leurs opérations de Tourcoing et de Boulogne-sur-Mer, où les architectes de Construire s’étaient emparés de la rénovation de petites maisons de ville dans une démarche commune avec les habitants, le projet de Beaumont, en Ardèche, est leur premier chantier de construction de logements ex nihilo. À l’origine des Bogues du Blat, du nom de l’association des habitants, il y a la volonté forte d’une municipalité « éclairée ».

Arrivé dans la commune au cours de la vague post-68, l’actuel maire du village, Pascal Waldschmidt, veut aujourd’hui offrir à une nouvelle génération, freinée par les prix de l’immobilier, la chance de pouvoir vivre et travailler à Beaumont. Il y a aussi chez lui l’envie de « démonter l’habituelle hiérarchie maître d’ouvrage/architecte/entrepreneurs/futurs habitants, [de] la remplacer par une synergie où chacun apporte sa part ». Il lance alors l’élaboration d’un PLU comprenant une zone d’expérimentation. Cet « îlot de liberté totale, sans règle architecturale ni d’urbanisme », explique Loïc Julienne, se trouve à l’intérieur d’une ancienne châtaigneraie acquise par la commune. C’est la médiatrice régionale du programme de la Fondation de France les « Nouveaux commanditaires » qui suggère au maire de travailler avec Patrick Bouchain. En revanche, aucun office HLM n’accepte d’entrer dans le projet, pourtant très lourd à porter pour une petite commune de 200 habitants permanents. Et l’État, considérant qu’elle ne se situe pas en zone tendue, met du temps à lui accorder des crédits pour des logements sociaux. C’est pourquoi, au lieu des huit maisons prévues, seulement trois sont d’abord élevées. Le groupe de travail initial ayant éclaté avec tous ces aléas, deux des maisons sont habitées par des personnes qui ne les ont pas conçues. « Lucien Kroll nous a enseigné que l’essentiel, c’est que les lieux portent l’empreinte d’un habitant, quel qu’il soit, et pas seulement d’un architecte », raconte Loïc Julienne.

Avec la seconde tranche actuellement en chantier, Beaumont sera bientôt doté d’un ensemble de six maisons écologiques. « Nous avons travaillé sur l’idée du “logement pionnier”, car ceux qui s’étaient installés à Beaumont dans les années 1970 étaient un peu des pionniers, et les nouveaux arrivants sont dans la même démarche », poursuit Loïc Julienne. Dressées sur un coteau abrupt, avec leurs toits qui dépassent au-dessus des châtaigniers, les maisons ne ressemblent pas à l’habitat traditionnel ardéchois, mais plutôt à de grandes granges. Implantées à cheval sur plusieurs faïsses (terrasses cévenoles), sans terrassement destructeur du site, elles sont orientées au sud ou à l’est et dans le sens de la pente. En construisant très concentré et en hauteur, les architectes offrent des vues magiques aux habitants. Le bâtiment de base de trois niveaux est constitué d’une charpente en ogive, de sa couverture et de l’aménagement du seul rez-de-chaussée (séjour, chambre, cuisine, salle de bains). Le reste du volume est clos de façon légère et pourra évoluer avec la vie des habitants qui feront eux-mêmes les travaux au fur et à mesure de leurs besoins. Au bout de dix ans, ils pourront acheter leur maison en déduisant le montant des loyers payés. L’association toulousaine AERA (Actions, études et recherches sur l’architecture, la ville et l’habitat) est intervenue pour accompagner la démarche participative et le montage juridico-financier.

« Le chantier a été participatif et heureux », se réjouit Loïc Julienne. Une partie est réalisée en autoconstruction : la pose des bardages en bois après une formation par le charpentier, la découpe et la mise en œuvre de la seconde peau d’isolant et les peintures. Les habitants choisissent eux-mêmes les couleurs des couvertures et des bardages métalliques des pignons d’étage. Charpente et bardage bois sont en pin douglas en provenance de la région lyonnaise. Les maisons actuellement en chantier auront, elles, un bardage en bois de la commune, coupé spécialement pour le projet. Le budget est de 180 000 euros TTC par maison de 120 mètres carrés aménageables. La Fondation de France a pris à sa charge l’ensemble des études. « Il faut un maître d’ouvrage engagé, de la liberté (les PLU cadrent trop et sont en R+1 maximum) et il faut associer les habitants », conclut Loïc Julienne. « Mais les organismes en charge du logement social en France sont des gestionnaires qui n’ont pas envie de faire évoluer le modèle ni d’inventer, ils se retirent dès que c’est expérimental », regrette-t-il.


Lisez la suite de cet article dans : N° 246 - Juillet 2016

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