Avez-vous écouté le premier enregistrement des ondes gravitationnelles ? C’est l’une des découvertes scientifiques les plus extraordinaires du siècle. Et pourtant, le bruit qu’elles émettent est si banal, c’en est décevant. Les plus grandes innovations – la pénicilline, le microprocesseur – sont en effet rarement spectaculaires. C’est aussi vrai pour l’architecture, notamment lorsqu’elle se veut plus écologique : l’intelligence de la relation au site, la réactivation de procédés traditionnels – ventilations naturelles, inerties ou échanges thermiques – et de matériaux naturels – la pierre, la terre, le bois –, tous ces facteurs produisent des mutations en profondeur, mais qui n’agissent que subtilement sur les formes et sont imperceptibles au philistin. Car l’invention se joue davantage en amont du projet sur l’optimisation de la conception, qu’il s’agisse de la modélisation des effets structurels ou climatologiques, ou de la remise en cause des process conventionnels, comme par exemple avec les filières de réemploi de matériaux.
Comment alors rendre visible l’innovation ? Car pour que l’invention ne reste pas dans les cartons, il faut bien séduire l’investisseur. Depuis quelques années, les architectes ont trouvé un moyen dont ils abusent : ils pulvérisent leurs bâtiments, jusqu’à les recouvrir de mousse verte et de fleurs des champs. La consultation « Réinventer Paris » a ainsi été le théâtre d’une débauche végétale sans précédent. Les images de ces projets nous invitent à plonger dans un film gore vert, nous promettant moult extases de convivialité, de vivre ensemble et autre coworking solidaire, à partager dans un grand bain de verdure biosourcée. Un déluge de bons sentiments auxquels la particule fine de diesel ne saurait évidemment survivre.
Passons sur le fait que planter des arbres ou des navets sur des bâtiments ne garantisse aucun bilan écologique positif et que cela puisse même se révéler catastrophique. On peut regretter que les architectes n’aient d’autres moyens de convaincre de la pertinence de leurs propositions, car s’il y a dans ces projets quelques impostures, il y a aussi de vraies innovations. Mais sans doute faudra-t-il attendre l’automne de ce vegan-show pour voir ce qui se cache réellement derrière la forêt.
Emmanuel Caille
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