Au risque d’en faire une lamentation trop récurrente, déplorerons une fois de plus l’absence de la question architecturale dans les grands débats de société : logement, régulation thermique et sanitaire des bâtiments ou aménagement du territoire. Tout y est réduit en termes quantitatifs : combien de mètres carrés produits ? Combien de ceux-ci sont conformes aux nouvelles normes ? Des néolibéraux aux écologistes ou des sociaux-démocrates aux populistes, l’ignorance ou le mépris envers la capacité des architectes à agir concrètement pour une société durable fait l’unanimité. On peut sans pessimisme excessif prédire que la campagne présidentielle qui se prépare – comme toutes ses précédentes – résonnera en la matière d’un silence assourdissant. Obsédés par l’impératif, a priori compréhensible, de tenir leurs promesses en termes de chiffres, les gouvernements ne se préoccupent que de résultats quantifiables, stratégie que légitiment – jouant en cela un jeu finalement plus pervers – les oppositions de tout bord lorsqu’elles n’argumentent qu’en termes d’objectifs comptabilisables, atteints ou non.
Avec la grande pandémie de la Covid, l’hôpital semble être revenu au centre des préoccupations. Mais là aussi, c’est toujours avec un boulier dans la tête que s’acharnent les esprits râleurs, réduisant généralement la question hospitalière au problème simpliste du nombre de lits. Or s’il fallait, de nos manières de concevoir l’espace habitable, absolument tirer un enseignement de cette crise, c’est qu’en surdéterminant les programmes selon des critères commerciaux et financiers, on se prive de pouvoir répondre efficacement aux évolutions des besoins – sans même parler des situations hors normes comme l’actuelle pandémie. Que ce soient les hôpitaux ou les logements produits en masse selon le système délétère des VEFA, la monofonctionalité et le calibrage au plus juste des usages condamnent à une rapide obsolescence. Par définition, un produit ciblé cherche à n’atteindre que sa cible. Et c’est bien là le problème : satisfaire une exigence de rentabilité à très court terme au lieu de s’inscrire dans la durée. Construire ne devrait jamais, en opération publique ou privée, se conformer à une pulsion consommatrice ; habiter sa chambre d’hôpital, sa cuisine ou un hall d’accueil ne relève-t-il pas d’une relation autrement plus longue et complexe à l’environnement, à la ville et aux autres ?
Emmanuel Caille
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