Menacées par la privatisation de pans entiers de l’espace public, les grandes villes et les métropoles n’en ont pas moins acquis un indéniable savoir-faire en matière de fabrication urbaine et d’architecture. La raréfaction du foncier a au moins un avantage, elle permet encore à la puissance publique de contenir la violence des investisseurs et de la promotion privée, des acteurs dont l’objectif n’a – par essence – jamais été de travailler pour le bien commun. Sincères ou non, que ce soit sur le site des halles Pouchard sur le canal de l’Ourcq à Pantin ou pour « Faire Paris autrement » à Saint-Vincent-de-Paul, les promoteurs ambitieux se doivent désormais d’afficher d’avenants et vertueux visages : co-jardinage, co-working, co-partage, co-fooding, co-living, co-corico…
Mais loin des grandes agglomérations, ces jeux de séduction n’ont pas cours et la situation est très préoccupante : destruction des terres agricoles remplacées par des zones commerciales et du pavillonnage, arasement des bocages, désertification et dégradation des centres-bourgs, réhabilitation sauvage de l’architecture vernaculaire traditionnelle… En dehors d’investisseurs chinois rachetant d’immenses terres à céréales, quels capitaux viennent aujourd’hui endiguer le déclin des territoires ruraux ? Or, sans même évoquer la menace culturelle majeure que représente cette dégradation, il semblerait que l’on ait peu pris conscience de l’énorme potentiel de développement économique que représentent via le tourisme ces paysages et ceux qui les font vivre. Nous savons que les flux de touristes des classes moyennes émergentes d’Asie et bientôt d’Afrique sont exponentiels. Nos grands sites sont déjà saturés et quand bien même Unibail aura transformé l’île de la Cité en centre commercial et de loisirs, tout le monde ne pourra pas y rentrer. Il nous faudra trouver d’autres lieux. Les campagnes ont en France un atout majeur à jouer si elles ne s’autodétruisent pas avant. Les régions n’ont évidemment pas attendu pour développer leurs infrastructures touristiques, mais elles sont peu formées et outillées pour imaginer une politique cohérente et qualitative qui ne se limite pas au rond-point folklorique, au musée du camembert ou du sabot. Préserver sans muséifier, rendre attractif sans disneylandiser, le défi est majeur. Les architectes et paysagistes ont un rôle crucial à jouer, nous sommes allés à leur rencontre.
Emmanuel Caille
> Questions pro |
Quel avenir pour les concours d’architecture ? 4/6
L’apparente exhaustivité des rendus et leur inadaptation à la spécificité de chaque opération des programmes de concours nuit bien souvent à l… |
Quel avenir pour les concours d’architecture ? 3/6
L’exigence de rendus copieux et d’équipes pléthoriques pousse-t-elle au crime ? Les architectes répondent. |