Réveiller les belles endormies

Rédigé par Soline NIVET
Publié le 28/06/2018

Maison des cascades du hérisson, Menetruc en Joux

Dossier réalisé par Soline NIVET
Dossier publié dans le d'A n°264

« Réveiller les belles endormies » : c’est avec cette jolie formule que l’architecte jean-Louis Maniaque évoque le potentiel des paysages fluviaux encore trop peu révélé aux habitants eux-mêmes ainsi qu’aux touristes. Le succès de la Loire à Vélo (plus de 900 000 cyclistes par an, dont un tiers d’étrangers, avec des retombées économiques avoisinant les 30 millions d’euros annuels) a pourtant incité l’état à inscrire cyclotourisme et écotourisme au cœur de son plan Tourisme, avec pour idée d’accompagner le développement des sentiers et infrastructures légères le long des berges françaises.


Ce type de projets, à la fois « macro » par les territoires traversés et « micro » en ce qui concerne les programmes construits, ne peut voir le jour qu’à la condition de projets politiques forts, car l’enchâssement des échelles est trop souvent contrecarré par des gouvernances éclatées. L’agence Inca a été missionnée au début des années 2010 pour le schéma de mise en valeur et d’interprétation du fleuve Rhône, sur plus de 600 km de long du lac Léman jusqu’à la Méditerranée. Objectif ? « Faire basculer l’image du Rhône – vécu jusque-là comme un ensemble de nuisances, d’embouteillages, de réseaux, de centrales nucléaires – et en faire le Danube ou le Rhin de demain en révélant le patrimoine existant. » ce type de réflexion, qui impliquait déjà une organisation interrégionale et interdépartementale pilotée par l’état et les régions, doit, selon gilles Marty, « s’inscrire sur un temps long de dix, quinze voire trente ans et porter un projet suffisamment réaliste pour être redimensionné dans d’autres projets à l’intérieur du projet, qui permettront phase par phase d’atteindre l’objectif global initial ». pour que sources, berges et vallées deviennent les fils d’ariane de nouveaux circuits et récits touristiques, il faut que leur valeur paysagère et leur capacité à faire converger les stratégies de développement touristiques soient portées par une culture du projet commun et inscrite dans les notes d’enjeux depuis l’échelle d’un Schéma de cohérence territoriale (ScoT) jusqu’à celle d’un plan d’aménagement de détail (paD).




1. MAISONS ECLUSIERES DE LA SOMME 
Deprick et Maniaque, architectes


À l’origine de cet aménagement des rives de la Somme entre Péronne et Abbeville, il y a un vrai choix politique porté par Christian Manable, président du département entre 2008 et 2015. Bien que la baie du Marquenterre fût prise d’assaut dès les beaux jours par les Samariens (nom des habitants du département de la Somme), les qualités paysagères et patrimoniales et le potentiel de développement touristique du fleuve Somme et de ses nombreux affluents restaient relativement méconnus du public, y compris des habitants eux-mêmes. D’ores et déjà propriétaire de six maisons éclusières, le conseil départemental a initié à partir de 2013 un projet à la fois ambitieux et évident de valorisation des berges par l’aménagement d’une piste cyclable le long d’un ancien chemin de halage, ponctuée de micro-équipements et d’infrastructures : abri-vélos, gîtes, cafés associatifs, restaurants, offices du tourisme et centre culturel. Lauréats à l’issue d’un concours lancé en 2012, les architectes Philippe Deprick et Jean-Louis Maniaque se sont appuyés sur le vocabulaire préexistant des longères, granges, cabanes de jardin ou abris de pêcheur de pierre, de brique et de bois présents sur les rives, qu’ils ont déclinés au moyen d’un autre matériau, exogène : l’inox froissé, dont ils jouent des propriétés réfléchissantes et déformantes à la fois pour procurer des effets de scintillement et de reflets qui entrent en écho avec ceux du ciel, de l’eau et des arbres. 

2. AMENAGEMENT PAYSAGER ET CREATION DU CENTRE D'INTERPRETATION DES SOURCES DE LA LOIRE AU MONT GERBIER DE JONC
Agence Territoires, paysagistes mandataires / Charles-Henri Tachon et Gelin-Lafon, architectes

« Le romantisme qui animait les premiers touristes au tournant du XXe siècle a trouvé dans le mont Gerbier une présence à la hauteur de ses espérances. S’il n’est pas toujours flatteur avec son désordre joyeux, et ses stands bricolés, le site des “Source de la Loire” possède pourtant un charme désuet qui nous rappelle l’épopée du Tour de France ou les vacances en quatre-chevaux, à une époque où le tourisme n’était pas encore une affaire de masse, il était populaire, simple, honnête. C’est ce sentiment qui nous a touchés et sur lequel nous avons fondé notre réflexion. Nous avons laissé de côté l’idée d’un aménagement trop policé comme on en voit dans tant de lieux touristiques et qui finit par les faire tous se ressembler. Notre projet s’est attaché à retrouver le vide et la minéralité que l’on peut voir sur les anciennes cartes postales. » Les architectes expliquent ainsi leur choix du béton comme unique matériau pour ce projet qui consiste à façonner une plateforme extérieure en balcon sur le paysage ainsi qu’une extension – invisible car enfouie dans le flanc de la montagne – du Chalet du Touring Club de France requalifié en centre d’interprétation géologique. Débarrassé de ses modifications successives, 
le Chalet est ainsi ramené à son type initial, sans pour autant que son histoire à travers le XXe siècle soit gommée : les baies comblées et les extensions supprimées restent lisibles par la juxtaposition à la pierre d’origine d’un béton coulé dans des coffrages en planchettes de châtaignier brossé. Respectant l’intégrité de cette modeste construction apparue avec les débuts du tourisme automobile, l’extension prend la forme d’une « cour couverte » dont le mur du fond reprend l’inclinaison des flancs du mont Gerbier, les vues en contre-plongée sur le mont ainsi révélées et les roches en affleurement suffisent à construire une scénographie que les architectes ont souhaitée dévouée à ce site « à la beauté rude, sincère et mystérieuse ».


4. MAISON DES CASCADES DU HERISSON, MENETRUC EN JOUX
Sophie Thomas, scénographe mandataire, Atelier–ZOU, architectes

Le Hérisson est un torrent qui prend sa source au Saut-Girard, né des eaux du lac de Bonlieu et du lac d’Ilay dans le HautJura. Sa vallée est ponctuée de 31 sauts et cascades qui jalonnent une belle randonnée à pied de quelques heures seulement. Classées au titre de la protection des paysages depuis avril 2002, les cascades du Hérisson ont fait depuis l’objet d’importants investissements touristiques tant en termes d’infrastructures d’accueil (sanitaires, parkings, aménagement et sécurisation des belvédères, etc.) que d’information et de pédagogie. Une maison de site a ainsi été aménagée, la scénographie ayant été entièrement revue depuis 2014 par Sophie Thomas et l’Atelier–ZOU : maquettes, panneaux, films ainsi qu’une immense fresque des cascades en relief y présentent la faune et la flore, la formation des cascades et l’activité industrielle qui y était liée. 

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