Présentation au dernier MIPIM (printemps 2018) de la maquette du projet urbain porté par le groupe Eiffage autour de la Cité internationale de la gastronomie (Anthony Béchu et Perrot & Richard, architectes) à Dijon. |
Dossier réalisé par Soline NIVET Depuis une quinzaine d’années, la construction
des centres d’interprétation s’est multipliée en France, notamment dans les
territoires ruraux. Importé d’Amérique du Nord – où il a été d’abord
développé dans les parcs naturels –, ce programme relativement récent
consiste à valoriser un territoire à partir de son histoire ou de son
patrimoine au moyen d’une installation pédagogique et interactive. Quel est le
rôle de l’architecture dans ces musées sans collection qui s’appuient sur l’émotion
et l’expérience plutôt que sur l’explication pour construire leurs
narrations ? |
Lointain
descendant de nos anciens écomusées, un centre d’interprétation est une sorte
de musée sans collection, qui place la dimension expérientielle au cœur de son
projet muséographique. Au moyen d’objets et de dispositifs interactifs, sa
vocation est de permettre de mieux comprendre un patrimoine, un site, un métier
ou un personnage local en mobilisant avant tout les émotions des visiteurs.
Sous la maîtrise d’ouvrage des agglomérations, des communautés de communes mais
aussi parfois de filières professionnelles, le centre d’interprétation est
censé contribuer à l’image d’un territoire à partir d’une thématique
identifiée.
Qu’il s’agisse
d’une bataille, d’un bassin industriel ou d’une appellation d’origine
contrôlée, la conception des centres d’interprétation exige dès la phase
concours que les projets associent très étroitement architecture, scénographie
et dispositifs multimédias, et les programmes insistent tous sur la dimension
narrative et ludique attendue des projets architecturaux. L’exercice est subtil
pour les architectes, sur la corde raide entre effacement derrière le
territoire à révéler et illustration plus littérale de la thématique Ã
célébrer. Reste à savoir, par ailleurs, où se situera le point de saturation
de cette thématisation accélérée des territoires ?
Car,
récemment, la notion d’interprétation s’est encore étendue jusqu’au
patrimoine culinaire, depuis que l’Unesco a inscrit, il y a huit ans, le repas
gastronomique des Français au patrimoine culturel immatériel de l’humanité.
Depuis, les vignobles champenois et bourguignon ont également rejoint le
patrimoine mondial, et le camembert de Normandie et la baguette de pain sont
entrés en lice ! Tandis que les villes de Lyon, Rungis, Tours et Dijon se
constituaient en un « Réseau des cités de la gastronomie », le label « Sites
remarquables du goût », instauré dans les années 1990 par les ministères
de l’Agriculture et de la Pêche, du Tourisme, de la Culture et de l’Écologie
continuait d’être décerné à de nouveaux territoires.
L’architecture des sensations
Pour
construire sa lisibilité gastronomique, un territoire doit associer un produit
alimentaire emblématique à un patrimoine environnemental et architectural
exceptionnel et à des infrastructures d’accueil permettant au public de saisir
la nature de leur relation. Dans la majorité des cas, ces infrastructures
prennent la forme de parcours pédagogiques et de dispositifs d’exposition
installés dans des architectures vernaculaires existantes. Parfois, succès
oblige, elles s’agrandissent et font l’objet d’une nouvelle programmation
architecturale. C’est le cas de la Maison du comté à Poligny (Amiot-Lombard,
architectes, livraison prévue en 2020) ou du Centre d’interprétation
sensorielle des vins de champagne à Aÿ, dont le concours est présenté ci-contre
(Philéas, architectes lauréats).
Cette
catégorie d’équipements touristiques relève du centre d’interprétation puisqu’il
s’agit, au moyen d’expériences ludiques, pédagogiques ou sensorielles, d’y
évoquer un sens (le goût) au moyen des quatre autres. Les dispositifs
interactifs numériques y sont beaucoup mis en œuvre, mais pas seulement puisque
l’architecture y est mobilisée autant comme un contenant que comme l’expression
des sensations gustatives et des savoir-faire mobilisés par les filières
locales.
Notre
Guggenheim hexagonal en la matière reste peut-être la Cité du Vin de Bordeaux,
dont les architectes décrivent la courbe comme une évocation de l’âme et de la
rondeur des grands crus bordelais. Faudra-t-il que le futur centre du camembert
soit rond et coulant et celui de la baguette long et craquant ? En
attendant, du côté de Lons-le-Saunier, la Maison de la vache qui rit (Reichen
et Robert, 2009) se refait une beauté, entièrement repensée par l’agence Encore
Heureux avec l’Atelier–ZOU. Elle rouvre cet été… et elle n’est pas triangulaire.
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