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Dossier réalisé par Soline NIVET Le cumul des plaques et des labels patrimoniaux
à l’entrée de certains villages – qui nous fait parfois sourire – est
en réalité devenu un vrai casse-tête : pour les élus et les habitants,
pour les touristes qui n’y comprennent plus rien… et pour l’État qui cherche Ã
simplifier le message de la marque France (sic)
à l’international. |
Le
principe d’une labellisation est toujours un peu le même, qu’elle soit décernée
par l’Europe, l’État, une association ou un organisme privé : en échange d’une
appellation, d’un logo et éventuellement de subventions, une série de
contreparties sont exigées, en termes d’aménagement et d’offre touristique
et/ou culturelle.
Dans la
course à l’attractivité, les labels sont brigués par des communes et les
collectivités, qui comptent ainsi enrichir et valoriser leur CV territorial1. Dans un contexte de politique décentralisée,
ils permettent en retour à l’État d’exercer à distance une pression
sur les politiques locales, une forme de soft management vertical permettant
de faire appliquer localement les « bonnes pratiques » en termes de
valorisation patrimoniale et d’équipement touristique tout en s’appuyant à la
fois sur la compétition entre les territoires (qui rivalisent pour décrocher
ces labels) mais aussi ultérieurement sur leurs coopérations puisque les
collectivités labellisées se fédèrent ensuite en autant de réseaux ou d’associations
au sein desquels capitaliser autour de la marque ou simplement échanger Ã
partir de leurs expériences.
À la
fois incitatifs et restrictifs, ces labels peuvent se révéler parfois bloquants
pour certaines communes qui souhaitent tout autant valoriser leur patrimoine
que développer leur économie locale. Certains villages se sont ainsi délestés
de lauriers trop lourds à porter, quittant le réseau des « Plus beaux
villages de France » faute de moyens à consacrer à l’entretien ou à l’embellissement
des espaces publics, ou tout simplement pour pouvoir aménager une zone
artisanale ou un secteur pavillonnaire.
Brouillage
Du côté
de l’État, on ne prend pas ces questions à la légère. Dans un rapport élaboré Ã
la demande du précédent gouvernement2,
Martin Malvy (ancien ministre et président de région et actuel président de
Sites et Cités remarquables de France) insistait dès 2016 sur la
démultiplication des initiatives et des labels patrimoniaux au risque d’un
brouillage totalement contre-productif. Depuis, un groupe de travail
interministériel « labels patrimoniaux et attractivité touristique »
a été mis en place par l’exécutif actuel qui entend faire converger politiques
culturelles et stratégies touristiques… ce qui ne manque pas de faire grincer
quelques dents côté culture.
Très
concrètement, on réfléchit à une unique marque ombrelle du type « Patrimoines
de France », qui chapeauterait
toutes les autres et permettrait de mieux valoriser la « Destination
France » à l’étranger. Restera à mesurer si cette politique volontairement
unificatrice en termes d’affichage à l’international et recentrée sur une
acception générique du terme « patrimoine » n’impactera que les
discours du marketing touristique, ou si elle ne contribuera pas à terme à un
lissage des initiatives locales… jusqu’à mettre définitivement la France sous
cloche.
1. Renaud Epstein, « Grâce aux labels, l’État
continue de peser sur l’agenda urbain », La Gazette des communes, septembre 2016.
2. Martin
Malvy, 54 suggestions pour améliorer
la fréquentation touristique de la France à partir de nos patrimoines, La
Documentation Française, 2016.
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