L’ensemble des enjeux que l’architecte se doit de maîtriser, les choix qu’elle ou il fait, auront à court et long terme des conséquences irrémédiables pour tous ceux qui lui ont fait confiance. La capacité de celui qui est investi de cette énorme responsabilité de mener à bien sa mission jusqu’au chantier a donc toujours été légitimement questionnée. Aujourd’hui, la taille imposante de certaines opérations ainsi que la complexité croissante inhérente à une demande de prestations et d’efficacité technologique des bâtiments font que cette charge pesant sur les épaules des architectes s’alourdit sans cesse. Difficulté à laquelle s’ajoute, on le sait, la normalisation et la labellisation frénétique encadrant désormais chaque décision. Sachant que la formation des architectes ne prépare pas à affronter la partie technique et réglementaire de ce combat, peut-on s’étonner du peu de crédibilité que leur accordent les maîtres d’ouvrage, notamment privés ? Ils leur adjoignent désormais pléthore d’intervenants, chacun étant censé être compétent dans son petit domaine. Par lassitude d’avoir à se justifier, crainte de ne pas être à la hauteur ou tout simplement parce qu’on leur refuse ce rôle, un grand nombre d’architectes ont malheureusement abandonné la mission du chantier.
Les conséquences de cette résignation sur ce qui légitime l’existence même de l’architecte dans l’acte de construire seront à n’en pas douter délétères. Car s’il ne peut pas être le plus compétent dans toutes les étapes de conception et de mise en œuvre, il est le plus apte à pouvoir établir une analyse critique du contexte et à proposer une vision holistique du projet. La sélection du Prix d’architectures 10+1 montre cette année encore que ce sont les réalisations dont les architectes ont maîtrisé toutes les phases du projet, de sa conception à son achèvement, qui atteignent un haut niveau de qualité tant du point de vue architectural que des usages.
Doit-on cependant faire une exception pour les très grands projets, dont la complexité exige des stratégies d’organisation hyperperformantes ? Depuis plusieurs années, des agences d’architecture se sont spécialisées dans ce rôle de maître d’œuvre d’exécution pour des projets comme la Samaritaine ou la Fondation Luma. Un rôle qui, s’il n’était pas pris par des architectes, le serait sans doute par des bureaux d’études. C’est à cette question que nous avons tenté de répondre dans notre dossier de rentrée.
Emmanuel Caille
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