MOEX 5/5 - « Le métier d’architecte repose sur 50 % de conception et 50 % d’exécution » : Entretien avec Emmanuel Dujardin, agence Rougerie+Tangram

Rédigé par Olivier NAMIAS
Publié le 01/09/2021

Le chantier de la Marseillaise

Dossier réalisé par Olivier NAMIAS
Dossier publié dans le d'A n°292

Depuis sa fondation en 2009, Tangram est structurée autour de sept pôles. Celui dédié au chantier a suivi plusieurs projets en Provence pour différentes grandes signatures. L’agence vient de fusionner avec l’atelier Jacques Rougerie. 

 

D’a : Que pensez-vous de la MOEX ? 

 

L’agence a vocation à suivre la maîtrise d’œuvre d’exécution de tous ses chantiers. Nous avons décidé très récemment que nous allions nous écarter des maîtrises d’ouvrage qui refusent de nous attribuer une mission complète. Beaucoup de promoteurs privés craignent que l’architecte cherche à améliorer son projet jusqu’à la livraison, et que ça coûte plus de temps et d’argent. Je considère que le métier d’architecte repose à 50 % sur la conception et à 50 % sur l’exécution. Si l’on veut rester bon en conception, il faut faire du chantier, sans quoi l’on risque de devenir des concepteurs de papier. La phase chantier est l’occasion de prolonger la mise au point du projet et de corriger des erreurs, éventuelles. Pourtant, beaucoup de maîtres d’ouvrage privés n’ont qu’une hâte, c’est que les architectes quittent le projet le plus rapidement possible pour le confier à un bureau d’études d’exécution, qui ne va pas se préoccuper de la cohérence du projet, mais qui va gérer le planning, le budget, l’ordonnancement des tâches – et qu’accessoirement, elles rémunèrent de plus en plus mal. Face à des maîtrises d’ouvrage qui segmentent tout, nous avons fait le choix de constituer une équipe de maîtrise d’œuvre interne comptant douze architectes dédiés exclusivement au chantier. 

 

D’a : Cette mission de suivi de chantier est-elle suffisamment valorisée ? 

 

Certains architectes y renoncent, car c’est la phase qui donne le plus de problèmes et qui rapporte le moins d’argent. De plus, il est compliqué de trouver des intervenants expérimentés. La grille de la convention collective des architectes valorise mal cette compétence. En tant qu’entreprise, nous sommes en concurrence directe avec les bureaux d’études ou les entreprises du bâtiment, qui rémunèrent bien mieux leurs chargés de chantier. Dans une agence d’architecture, il est difficile de faire admettre que l’on va payer mieux celui qui réalise que celui qui conçoit. Nous devons donc limiter ces salaires-là, avec le risque qu’au terme d’un chantier, l’architecte nous quitte pour intégrer les maîtrises d’ouvrage revalorisant leur rémunération d’un tiers ! Pour qu’une personne reste en agence d’architecture en tant que maître d’œuvre d’exécution, il faut qu’elle soit très investie et consciente du rôle qu’elle joue en tant qu’architecte. 

 

D’a : Vous travaillez aussi avec de grandes agences internationales. Comment se déroulent ces collaborations ? 

 

Depuis une dizaine d’années, nous avons été sollicités par des agences internationales ayant des projets dans la région. Nous avons travaillé avec Tadao Ando sur le château La Coste, avec Foster+Partners sur l’ombrière du Vieux-Port puis sur l’aéroport de Marseille, dont nous sommes coconcepteur… Ces collaborations sont inespérées. Elles nous confrontent à des projets auxquels une jeune agence ne pourrait jamais accéder, tel un IGH avec Jean Nouvel. Avec Marc Barani, nous avons réalisé des parois inclinées de 15 mètres de haut, coulées en une seule fois, en béton coloré coffré à la planche sur le tribunal d’Aix-en-Provence. Se confronter à des architectes de réputation mondiale élève notre niveau d’exigence. Ce sont des expériences extrêmement formatrices en termes de méthodologie, de process de décision, de document types, etc. Nous ne cherchons pas la lumière, nous apprécions d’être dans la roue de plus grands pour apprendre et, tant que nous pourrons participer à des projets exceptionnels, nous poursuivrons ce type de collaborations. 

Abonnez-vous à D'architectures
.

Réagissez à l’article en remplissant le champ ci-dessous :

Vous n'êtes pas identifié.
SE CONNECTER S'INSCRIRE
.

> L'Agenda

Novembre 2024
 LunMarMerJeuVenSamDim
44    01 02 03
4504 05 06 07 08 09 10
4611 12 13 14 15 16 17
4718 19 20 21 22 23 24
4825 26 27 28 29 30  

> Questions pro

Quel avenir pour les concours d’architecture ? 4/6

L’apparente exhaustivité des rendus et leur inadaptation à la spécificité de chaque opération des programmes de concours nuit bien souvent à l…

Quel avenir pour les concours d’architecture ? 3/6

L’exigence de rendus copieux et d’équipes pléthoriques pousse-t-elle au crime ? Les architectes répondent.

Quel avenir pour les concours d’architecture publique 2/5. Rendu, indemnité, délais… qu’en d…