MOEX 4/5 - « Un bon maître d’œuvre d’exécution doit d’abord être un bon architecte » : Entretien avec Jean-François Bailleux, Francesco Ballarin, Michela Donato, agence Arte Charpentier

Rédigé par Olivier NAMIAS
Publié le 02/09/2021

Un chantier d'Arte Charpentier

Dossier réalisé par Olivier NAMIAS
Dossier publié dans le d'A n°292

Présente en France et en Chine, l’agence Arte Charpentier confirme l’importance de la place de l’architecte en maîtrise d’œuvre d’exécution sur ses projets. Elle compte actuellement six personnes travaillant sur des projets privés complexes et de grande taille. 

 

D’a : Dans quel contexte intervenez-vous sur les missions de MOEX ? 

 

L’agence a toujours considéré que l’architecture ne se résume pas à la conception, et que l’idéal pour un architecte – et pour le projet ! – est de s’ investir du premier coup de crayon à la livraison. Mais nous travaillons principalement pour des maîtrises d’ouvrage privées, un domaine où le client choisit sa MOEX comme bon lui semble. Souvent son choix se porte sur des équipes sans lien avec l’origine du projet, qui n’ont pas participé à sa conception, et dont la formation n’est pas l’architecture. Mais depuis quelques années, plusieurs de nos maîtres d’ouvrage privés sollicitent notre cellule chantier. Notre part des missions MOEX augmente, et nous renforçons notre équipe en conséquence. 

 

D’a : Sur quels projets intervenez-vous ? 

 

Uniquement sur les projets de l’agence ! Et ceux réalisés en partenariat avec d’autres architectes. L’idée de notre équipe « Architectes MOEX » est de reprendre les missions de chantier qui nous ont peu à peu été retirées par les maîtrises d’ouvrage privées. Et elles l’ont fait non par manque de confiance envers l’architecte, mais simplement parce qu’elles considéraient que l’architecte n’était pas le réalisateur de la mission de chantier. Nous essayons de lui prouver le contraire avec nos réalisations actuelles et nos missions de chantier en cours. 

 

D’a : Vous ne voulez donc pas en faire une activité à part entière de l’agence ? 

 

Nous n’écartons pas l’idée de faire du développement autour de cette MOEX, mais pour l’instant notre priorité est de consolider et d’affirmer la compétence chantier au sein de l’agence. Nous sommes aujourd’hui six architectes expérimentés, quatre collaborateurs recrutés en interne sur la base de la motivation, des compétences et de l’expérience, et deux responsables actifs sur des opérations en cours, l’un basé à Paris et l’autre à Lyon. L’argument principal pour convaincre nos maîtrises d’ouvrage de confier la mission de chantier à notre cellule MOEX, c’est la continuité du suivi du projet de la conception à l’exécution. Tous les architectes de conception d’Arte Charpentier sont intégrés dans la phase de réalisation (mission visa), ce qui permet de conserver la mémoire du projet, mais aussi la cohésion des équipes. Cela permet aussi de responsabiliser les équipes de conception dès les phases d’esquisse. Nous menons une politique d’intervention en amont du chantier que l’on voit se développer également chez les maîtres d’ouvrage, qui font intervenir la DET, pour certains, dès l’APS. Ainsi, nous pouvons faire une analyse circonstanciée d’un dossier au moment du DCE, pour nos équipes amenées à valider les VISA lors du chantier. 

 

D’a : Est-ce intéressant pour la maîtrise d’ouvrage qu’architecte et MOEX viennent de la même entreprise ? 

 

Certains clients voient un avantage à ce que la MOEX soit assurée par une structure proche de l’équipe de conception, car cela apporte une grande capacité d’adaptation, une adéquation aux enjeux et une meilleure défense du projet architectural. Nous ne disons pas qu’une MOEX séparée crée nécessairement des problèmes, mais la complémentarité est un atout pour nous et les maîtrises d’ouvrage. En phase travaux, le fait de se placer dans la continuité des concepteurs prolonge la durée de la conception, et permet éventuellement de faire intervenir les autres spécialités de l’agence. Nous en avons quatre (architecture intérieure, architecture, urbanisme et paysage) et sommes en train de faire émerger la MOEX comme une cinquième. 

 

D’a : Les lignes de partage des missions sont parfois difficiles à cerner pour une personne non avertie. Qu’est-ce qui différencie l’action de l’architecte d’Arte Charpentier de l’action de l’architecte d’Arte Charpentier… intervenant dans la cellule MOEX ? 

 

Plutôt que de différence, nous parlons de complémentarité. L’architecte de conception est en charge du VISA et de la conformité architecturale, l’architecte de la cellule MOEX assure le suivi technique et la gestion financière du projet. La répartition des rôles de chacun reste attachée au contrat qui décrit chaque phase de la mission, comme pour celle des BET techniques auxquels nous sommes associés en groupement le plus souvent. Cette organisation interne nous permet de sensibiliser tous nos métiers à cet exercice du chantier. En tant que MOEX, nous apportons notre contribution du suivi quotidien de l’évolution du bâtiment, de ces adaptations possibles, des modifications souhaitées… Nous sommes le relais pour cette phase d’exécution, proximité renforcée par l’organisation de cette équipe pluridisciplinaire. 

 

En résumé, on devient coordinateur de l’ensemble de l’équipe architecte pendant la phase travaux. L’agence est mandataire d’une équipe pluridisciplinaire qui comprend aussi les ingénieurs sous la coordination de la MOEX. 

 

D’a : Quelle est la première qualité requise pour intégrer votre cellule de chantier ? 

 

D’abord d’être architecte ! Lors de la constitution de l’équipe, nous tenions absolument à ce que chacun de ses membres possède cette double culture de concepteur et de réalisateur. Dans les petites agences, c’est souvent le cas. Dans une grande agence comme la nôtre, cela allait moins forcément de soi. Mais encore une fois, nous sommes convaincus qu’il faut être un bon architecte pour être un bon maître d’œuvre d’exécution. Il faut ensuite avoir l’expertise très technique que requiert le suivi de chantier, être rigoureux pour assurer la partie administrative et organisationnelle de la mission, être assez psychologue et diplomate pour gérer les rapports humains parfois tendus… et surtout aimer le chantier, le terrain, le plaisir de voir un bâtiment sortir de terre. Nous n’excluons pas d’intégrer des profils au double cursus architecte-ingénieur. Mais nous restons attachés à notre identité d’architecte. 

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