Du classicisme à la modernité, l’idée que nous nous faisons d’une architecture repose essentiellement sur son dessin, sa forme et sa matérialité. Des qualités que l’on peut aisément décrire, comparer, reproduire, et dont il est facile de rendre compte dans des livres ou dans la presse, qu’elle soit papier ou numérique. Cette primauté du regard, qui donne à la géométrie et au visible en général l’ascendant sur tout autre forme de perception, a toujours occulté les autres dimensions sensorielles de l’espace, chez les praticiens comme chez les historiens (de l’architecture).
Depuis quelques années, nous assistons cependant à un intérêt renouvelé vers les autres formes de sensation qui peuvent devenir à leur tour des éléments à parts égales du projet. Cette attention grandissante à tous les sens qui nous permettent d’appréhender l’espace n’est sans doute pas étrangère au succès, parmi ses pairs, d’un architecte comme Peter Zumthor.
Sans que nous l’ayons prémédité, c’est vers cette conception plus ouverte de l’architecture que convergent ce mois-ci plusieurs thèmes de d’a ; comme un signe des temps. Ainsi le concours Réinventer Paris – au-delà de ce qu’il apporte en termes d’innovation du type de commande – a mis en valeur l’importance accordée aux ambiances, qu’elles soient générées par de nouvelles pratiques sociales, des jeux de modulations thermiques ou l’omniprésence d’une nature scénarisée. En écho inattendu à cette consultation, l’exposition consacrée à Hubert Robert au Louvre nous rappelle quant à elle combien l’art du jardinier de Versailles se conformait à la peinture plutôt que l’inverse : avec lui, ce sont les intonations de la lumière, les effets atmosphériques, la sensation de l’écoulement du temps exaltée par la présence des ruines des peintures qui déterminent le projet de paysage plus que la géométrie. Pensons enfin à l’autre sens oublié de l’architecture : la dimension sonore de l’espace. Nous y consacrons ce mois-ci un long dossier. Car si l’ouïe est bien l’aspect le plus sous-estimé de l’architecture, la maîtrise des ambiances sonores peut pourtant radicalement modifier notre manière de pratiquer, d’habiter et de ressentir un lieu. Mais savons-nous seulement le contrôler ?
Emmanuel Caille
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