La consultation visant à « Réinventer Paris » à partir de 23 terrains porte « sur une manière vertueuse de céder des actifs ». La valorisation des terrains découle de l’innovation urbaine portée par les acteurs privés et la société civile et de l’innovation méthodologique portée par la Ville. |
Paris voulait un modèle de consultation reproductible, c’est gagné : aujourd’hui, « nous sommes contactés par les villes du monde entier », s’est félicité Jean-Louis Missika, adjoint à la maire de Paris en charge de l’urbanisme, le 10 mars, à l’occasion de la matinée du CGEDD intitulée « Réinventer Paris, innover dans la commande urbaine ? » Sans compter les autres collectivités, qui lancent de multiples appels à idées pour « réinventer » la Seine, le Grand Paris… La consultation visant à « Réinventer Paris » à partir de 23 terrains, lancée fin 2014 et dont les lauréats ont été annoncés le 3 février, a fait émerger de nouvelles façons de travailler. « Un coup magistral », selon Ariella Masboungi, organisatrice de la matinée du CGEDD. Jean-Louis Missika y a présenté la genèse de cette consultation, qui « porte sur une manière plus intelligente et vertueuse de céder les actifs1 ». « Car ces actifs n’ont pas tous été vendus « au mieux-disant financier », comme il est d’usage. « Parmi les 22 projets sélectionnés, seuls huit sont parmi les mieux-disants financiers. Nous avons respecté l’engagement de choisir les projets les plus innovants. » Adjoint au maire en charge de l’innovation dans la précédente mandature, Jean-Louis Missika est un fervent défenseur de l’expérimentation dans l’espace public. « Nous avons cherché des sites représentatifs de l’ensemble des problèmes qui se posent à Paris, pas seulement des friches, mais aussi des bâtiments patrimoniaux, historiques, industriels, des délaissés urbains… Paris doit être capable de bâtir la ville sur la ville, de donner une troisième ou quatrième vie à des bâtiments, en respectant les impératifs du XXIe siècle, la protection de l’environnement et les nouvelles façons de vivre, de travailler, de commercer… » L’innovation, dans les projets lauréats, vient de la combinatoire entre divers éléments : chantiers propres, filières sèches, matériaux innovants, économie circulaire, construction durable, performance énergétique, végétalisation… Et surtout, l’innovation en matière d’usages et de partage des espaces : « Les nouveaux immeubles sont mixtes, hybrides, mutables… La plasticité économique, sociale et fonctionnelle doit avoir une traduction architecturale et urbanistique. »
Projet privé d’intérêt général
« L’innovation de Réinventer Paris tient surtout à la programmation portée par le privé, à la possibilité d’imposer l’innovation au secteur privé, très conservateur », analyse Kristiaan Borret, bouwmeester de la Région bruxelloise. Une méthode qui intègre des équipes pluridisciplinaires très en amont et dans laquelle « la maîtrise d’usage est aussi importante que la maîtrise d’oeuvre et la maîtrise d’ouvrage et transforme la relation avec le donneur d’ordre ». Par la sélection à travers l’innovation, la consultation était aussi ouverte à d’autres acteurs que les grands promoteurs ; elle a « brisé les plafonds de verre », remarquent les intervenants.
Accompagnement dans la durée
En matière de montage, une des difficultés de cette consultation consistait à « garantir les engagements pris par les porteurs de projets », poursuit Jean-Louis Missika. La Ville a donc travaillé en amont avec des notaires pour aboutir à des actes de vente comprenant un protocole d’évaluation dont les champs sont définis avec le nouveau propriétaire. « Nous avons plus de leviers pour contrôler les usages dans un contrat de vente que dans un bail emphytéotique », constate l’élu. Le promoteur s’engage ainsi, dans l’acte de vente, sur des critères d’innovation, de performance environnementale, d’affectation… pour bâtir un « projet privé d’intérêt général ». Et chaque projet est suivi par un responsable de la Ville pendant dix ans. « La commande est moins définie, mais ce dialogue dans la durée nécessite un investissement lourd dans le temps », reprend l’adjoint en charge de l’urbanisme. « L’économie de l’innovation n’est pas une filière, c’est un état d’esprit, c’est le moteur de la transformation. » Pour Bernard Reichen, Grand Prix de l’urbanisme 2005, le succès de la consultation tient au « casting » des terrains, qui invite au « développement d’un imaginaire cohérent ». Et au « label » qui « crée un lien » entre chaque point réel. « Paris a réussi à oublier l’architecture, pour mettre l’accent sur la méthode, en partant du principe que l’architecture aiderait », commente l’urbaniste. On peut « passer au projet par l’assemblage intelligent de produits et pas seulement par la programmation ». Cependant, il faut arriver à lui « donner un sens, une histoire à raconter ». Conséquence du succès : 815 projets ont été présentés à la première phase et 365 en phase 2, dont 74 ont été sélectionnés pour la phase 3. « Ceux qui ont été éliminés en phase 1 n’ont pas été rémunérés pour la prestation intellectuelle », remarque un architecte. « Paris a voulu borner la procédure, mais nous pensions que la phase 1 découragerait de nombreux projets », répond Jean-Louis Missika. « Le cadre juridique de la consultation, hors commande publique, ne nous permet pas de rémunérer la prestation intellectuelle, le projet reste propriété du porteur. La rémunération de l’architecte était une exigence de la phase 2. Nous allons veiller, dans les prochains appels à idées, à ce que la phase 1 soit allégée. » Chose faite pour « Réinventer la Seine ». L’expérimentation est, en réalité, encore en construction. « Il y aura forcément des échecs. L’innovation est vivante, elle marche par essais et par erreurs. »
1. Paris vend tous les ans environ 200 millions d’euros d’actifs et en achète près de 250 millions d’euros.
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N° 243 - Avril 2016
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