La dimension sonore : Esquis’Sons ; travailler à la partition d’un projet urbain

Rédigé par Soline NIVET
Publié le 03/04/2016

Dossier réalisé par Soline NIVET
Dossier publié dans le d'A n°243

Le programme Esquis’Sons a été proposé en 2013 à l’ADEME par l’équipe du Cresson1 en réponse au programme « Urbanisme Durable et environnement sonore : outils, guides, solutions techniques ou matériaux ». Deux plus tard, plusieurs outils sont mis en ligne (www.esquissons.fr) à la disposition des concepteurs de projets urbains. Nicolas Rémy, coordinateur scientifique avec Grégoire Chelkoff, revient pour nous sur la dimension opératoire de ce travail.

« Actuellement, les réglementations acoustiques en Europe constituent une première façon de protéger les différents types de bâtiments face à des sources sonores gênantes comme les bruits de transports ou industriels. Conçues – et c’est déjà un grand pas – sur des critères acoustiques quantitatifs, ces réglementations sont appliquées dans les cadres juridiques des pays membres. Cependant, elles sont inopérantes dès lors qu’on se pose la question des dimensions qualitatives de l’environnement sonore audible dans un futur projet urbain.


Dépasser le point de vue quantitatif

Les cartes de bruit (directive européenne 2002/49/UN) permettent de cartographier un territoire et donner une idée des quantités sonores audibles à l’échelle d’un quartier et d’une agglomération. Associées à des plans de lutte contre le bruit, elles permettent d’orienter un certain nombre de décisions (techniques et politiques) pour réduire le nombre de personnes exposées à des niveaux sonores élevés le jour, comme la nuit. Par contre, elles ne permettent pas de dire ce que les habitants d’un quartier ou d’un immeuble entendent chaque jour d’un point de vue qualitatif car leurs valeurs (limites) ne fournissent qu’un résumé très succinct de toute la richesse des sons audibles. Même s’ils sont parfois gênants (on les qualifie alors plutôt de « bruits »), les sons sont toujours porteurs de sens, de temps, de pratiques sociales, de qualités spatiales. Notre travail est de tenir compte de ce matériau sonore au même titre qu’un matériau constructif dans le projet.


Un référencement de situations sonores

S’intéresser au qualitatif d’une situation en projet suppose d’accepter de perdre un peu de certitude et de se positionner très en amont. Les outils que nous avons développés visent d’abord à constituer des références. Ils proposent à l’écoute des situations ordinaires dans une typologie spatiale et sociale large. Sur notre site, on peut en entendre 71, situées en France, en Suède, en Allemagne et en Espagne. L’écoute transversale de ces situations permet déjà de se doter d’une culture sonore sur laquelle asseoir des choix futurs de projet. Ces sons sont amenés à fonctionner comme des références : nous avons essayé de les décrire de façon à ce qu’ils puissent être réinterprétés dans d’autres projets en redonnant toutes les conditions minimales d’existence des éléments observés.


Des outils de modélisation

Le second dispositif est un outil d’esquisse sonore qui permet, à partir d’un modèle 3D dessiné sur Rhino®, de sonoriser la scène grâce au développement d’un plug-in Grasshopper® et d’une application de gestion des sons compilée sous Max/MSP. L’utilisateur peut alors régler un certain nombre de paramètres et entendre en direct les conséquences de ses choix.

Dans un premier temps, l’intérêt de cet outil est pédagogique, puisqu’il permet à un utilisateur curieux d’entendre rapidement (sans modélisation compliquée ou experte) les conséquences de choix formels très simples. Dans un second temps, l’écoute affinée de l’outil lui permet aussi de tester, toujours à partir de l’écoute, des variations sonores générées par des changements sur l’espace construit et, dans ce sens, le son lui permet donc d’esquisser son espace.

L’esquisse sonore permet alors de tester un certain nombre d’hypothèses sur la taille et la forme des bâtiments, leur orientation, le positionnement des programmes, l’ouverture ou la fermeture des îlots, la porosité des espaces intermédiaires, le design des balcons, des terrasses… Ces outils sont destinés aux architectes, urbanistes, paysagistes, ainsi qu’à tous les concepteurs intéressés par l’idée d’une “une matière sonore” partagée, suffisamment caractérisée pour qu’individus et collectifs s’y reconnaissent ensuite. »


Propos recueillis par Soline Nivet


1. Le Centre de recherche sur l’espace sonore et l’environnement urbain (Cresson) est un laboratoire de recherche implanté à l’École nationale supérieure d’architecture de Grenoble et dirigé par Anthony Pecqueux. Il est associé au Centre de recherche nantais architectures urbanités (CRENAU) de l’ENSA Nantes, avec lequel ils constituent l’Unité mixte 1563 de recherche du CNRS « Ambiances architectures urbanités », dirigée par Daniel Siret.


Lisez la suite de cet article dans : N° 243 - Avril 2016

Abonnez-vous à D'architectures
.

Réagissez à l’article en remplissant le champ ci-dessous :

Vous n'êtes pas identifié.
SE CONNECTER S'INSCRIRE
.

> L'Agenda

Novembre 2024
 LunMarMerJeuVenSamDim
44    01 02 03
4504 05 06 07 08 09 10
4611 12 13 14 15 16 17
4718 19 20 21 22 23 24
4825 26 27 28 29 30  

> Questions pro

Quel avenir pour les concours d’architecture ? 4/6

L’apparente exhaustivité des rendus et leur inadaptation à la spécificité de chaque opération des programmes de concours nuit bien souvent à l…

Quel avenir pour les concours d’architecture ? 3/6

L’exigence de rendus copieux et d’équipes pléthoriques pousse-t-elle au crime ? Les architectes répondent.

Quel avenir pour les concours d’architecture publique 2/5. Rendu, indemnité, délais… qu’en d…