Dans une société déprimée courant après la croissance, l’innovation apparaît comme le mantra sans lequel nous serions irrémédiablement condamnés à disparaître. Mais
que recouvre cette incantation au progrès perpétuel et qu’a à y gagner l’architecture ? La quête de la performance technique – comme pour la construction de la Fondation Louis-Vuitton – est un jeu passionnant mais qui a peu d’impact sur la production courante. Les expérimentations les plus intéressantes sont généralement peu spectaculaires. Elles s’attachent davantage aux processus de mise en oeuvre : comment construire mieux, plus rapidement, dans un souci environnemental toujours plus poussé mais sans augmenter le prix d’exécution ? Que ce soit dans l’invention spatiale ou l’innovation technologique, les architectes se heurtent cependant plus que jamais au mur de la réglementation. Ces contraintes envahissantes ont pourtant forcé le monde de la construction à trouver de nouvelles solutions, que ce soit en matière thermique, de sécurité ou d’accessibilité. Chaque adaptation au stade supérieur d’exigence réglementaire se fait dans la douleur – avec souvent un sentiment d’absurdité dû à la brutalité de son application –, car elles obligent à conformer en cours d’étude des savoir-faire conçus pour des règles devenues obsolètes. On comprend cependant que cette marche forcée à l’innovation est avant tout subie car déterminée par des acteurs situés en dehors du champ de l’architecture.
L’expérimentation et l’invention, valeurs qui légitiment le rôle social de l’architecte, sont aujourd’hui terriblement bridées. C’est sans doute la raison pour laquelle la récente Stratégie nationale pour l’architecture entend promouvoir « la démarche expérimentale ». Le projet de loi relatif à la « liberté de création, à l’architecture et au patrimoine » qui l’accompagne devrait offrir la possibilité, à titre expérimental, de déroger de façon temporaire et encadrée à certaines règles en vigueur. Un « permis de faire » en somme, qui, s’il ne reste pas une vaine promesse de ministère, permettrait aux architectes de reprendre la main sur l’évolution de leur pratique.
Emmanuel Caille
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