Paul Vincent |
Dossier réalisé par Christine DESMOULINS « Architecte et inventeur », Paul Vincent a complété au CNAM sa formation initiale de l’ENSA Paris-Malaquais. Trois décennies d’innovation pour Renzo Piano Building Workshop (RPBW) ayant débouché sur une cinquantaine d’ATEx, d’avis techniques et de brevets avec des industriels témoignent de la diversité des innovations qu’une équipe pluridisciplinaire peut développer sur les grands projets. |
Après
avoir notamment participé aux projets de l’Ircam, de la Cité
internationale de Lyon, du centre culturel Jean-Marie Tjibaou, de la
maison Hermès à Tokyo, de la tour de la banque Intesa-Sanpaolo à Turin
ou de l’ENS Cachan, il travaille actuellement sur le chantier de la
Citadelle universitaire et publique d’Amiens comme consultant pour
RPBW. Innovant au plan environnemental (façades motorisées asservies, toitures
végétalisées, ventilation naturelle hybride asservie à un anémomètre) et expérimental
par sa mixité d’usages, ce chantier donne lieu à deux dépôts de brevets déposés
par Terreal avec Paul Vincent et AIA Ingénierie. Le premier concerne la place
publique de 3200 m2 mètres carrés et la terrasse haute de 1000 m2 formées
d’un sol drainant écologique mixte « céramique pelouse » parfaitement
horizontal qui supporte des camions de 10 tonnes. Le second porte sur
un plancher collaborant voussoirs terre cuite/dalles béton développé avec
Olivier Canat d’AIA et testé au CSTB. Pour lui, innover ne se limite pas Ã
trouver des solutions pratiques à un problème mais aussi à réécrire
le programme et à optimiser le projet pour le partager et favoriser l’appropriation.
« L’innovation ne se fait pas sans partenaire et repose sur un process et
l’idée d’étapes successives à franchir. La première consistait à définir
les besoins avec Renzo Piano, puis à monter une équipe de haut vol.
Il faut bien sûr un client motivé pour mener le projet et résoudre
les questions liées aux ATEx et avis techniques. En faisant des recherches d’antériorité
lors du dépôt de brevet, on voit souvent qu’un siècle plus tôt d’autres ont
réfléchi au même sujet. Il faut en tout cas financer la recherche pour
mettre en oeuvre des bâtiments vertueux. Si l’on dépose une ATEx, on
a accès aux ingénieurs du CSTB les plus compétents en la matière, ce
qui est une garantie de sécurité pour un maître d’ouvrage. L’ATEx
anticipée n’est nullement risquée. C’est même une sécurité Ã
valoriser ! On doit souvent contourner les marchés publics pour anticiper l’innovation.
Il faut commencer par prévoir dans le contrat de maîtrise d’oeuvre un
petit poste financier R&D/pré-prototypes, à utiliser dès le début des
études et à ajouter un budget prototypes dans les marchés des entreprises,
ce qui les oblige à montrer leur savoir-faire. »
LABORATOIRE
Les
célèbres façades VEC transparentes extra fines à ouvrant masqué de
l’Ircam, complétées par les montages à sec des briques enfilées dans
des tiges inox, ont souvent été copiées. « La première option était
d’utiliser des briques de chantier resurfacées, mais aucune entreprise n’a
accepté de répondre à ma consultation et Renzo Piano souhaitait
réutiliser des briques ordinaires, précise Paul Vincent. Philippe Malé, Laurent
Guiraud et moi-même avons breveté une pièce permettant d’utiliser des briques
enfilées dans ces tiges inox verticales avec des joints assurant à la fois
le calage, l’écartement de 5 mm et l’écoulement de l’eau. » Il en va
de même des façades de la Cité internationale de Lyon. Les bardeaux
extrudés en terre cuite à montage très rapide sont vendus dans le monde entier
par Terreal sous avis technique et les façades double peau étaient parmi
les premières au monde motorisées et asservies à des sondes de
températures. Le CSTB a contribué aux études. « Comme d’autres bâtiments
de Renzo Piano, cette Cité internationale qui a mobilisé pendant vingt ans une
équipe à mes côtés est un laboratoire, ajoute-t-il. Outre le premier grand
chantier de toitures végétalisées type Tec(h)floor en France, citons
les plafonds techniques intégrés du musée d’Art contemporain et une dizaine
d’autres innovations, dont certaines conçues avec le paysagiste Michel Courajoud
et l’ingénieur horticole Claude Guinaudeau (plantations en réseaux d’arbres
sans fosses en terre-pierre, boulevard urbain en enrobé drainant, etc.). » Sur
les projets conçus par RPBW et faute de se satisfaire des produits du
marché, il aime inventer des produits. Sur les grandes cases du
centre Tjibaou, il a mis au point avec l’équipe de RPBW, François Marre d’Agibat
Lyon et Jacques Gandemer du CSTB une ventilation naturelle asservie à un
anémomètre et des structures cycloniques collées en iroko et fonte d’acier montées
sans tolérance. La maison Hermès de Tokyo a vu la création d’une chaîne de fabrication
de pavés de verre de 45 x 45 sur 12 cm d’épaisseur chez Vetroarredo en
Italie et la mise au point, chez Schmidlin et Takenaka Corporation,
d’un système de montage de panneaux échelle articulés. Les problèmes
sismiques et coupe-feu ont été résolus avec des bandes fibreuses utilisées par
la NASA. À Turin, la tour bioclimatique de la banque Intesa-Sanpaolo,
récemment livrée par RPBW, est l’une des premières tours du monde
labellisées LEED Platinum. « Dessinée par le soleil et le vent avec une asymétrie
liée à la courbe du soleil et des planchers préfabriqués creux à inertie
respirant la nuit, cette tour sophistiquée mais simple d’emploi est
gérée par un Building Management System (BMS), ajoute Paul Vincent.
Notre équipe de recherche a développé des technologies environnementales très
poussées : structures, façades, ventilation et usages sont interconnectés.
Il n’y a pas de climatisation, mais des plafonds froids, un éclairage
LED indirect à 70 % et des déflecteurs aérodynamiques d’entrée d’air
pour les planchers ventilés la nuit. Au sommet, à 160 mètres de haut, une
serre froide ventilée naturellement offre un espace public avec
jardin, restaurant, un petit musée et un café. Dotée d’une façade double
peau inversée, elle est elle aussi asservie à un BMS.
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