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Dossier réalisé par Christine DESMOULINS |
Didier
Roux est directeur de la Recherche et de l’innovation chez Saint-Gobain.
Pour lui, les acteurs de la construction doivent améliorer d’urgence
la « chaîne de valeur » du bâtiment (ensemble des étapes déterminant la
capacité d’une organisation à obtenir un avantage concurrentiel) et l’«
indice de productivité » (productivité d’une personne pour une heure
de travail) du secteur. Selon lui, la construction ne sert pas parfaitement
ses clients et elle n’a pas fait de gains de productivité suffisants
depuis soixante ans. « Dans la chaîne de valeur de l’automobile, si
le taux de satisfaction du client ne dépasse pas 80 %, c’est un échec ; dans
le bâtiment, on ne dépasse guère 50 %. » Il ajoute : « Le client subit la
chaîne de valeur “à bout de souffle”. C’est un état de fait dans
lequel tous les pays et tous les acteurs de la production – maîtres
d’ouvrage, architectes, BET, entreprises, artisans, industriels –
sont impliqués. » Selon l’enquête de satisfaction sur la maison individuelle
de Que Choisir du 25 août 2015, « les particuliers entrés dans un logement neuf
ne gardent pas un très bon souvenir de la phase de construction, surtout
quand ils passent par un promoteur ». Guère plus brillant, l’indice
de productivité du secteur stagne entre 100 et 200 depuis soixante ans, quand
il a été multiplié par 16 dans l’industrie. Pour Didier Roux, « bien que
les architectes construisent des objets uniques, il n’est pas
acceptable de payer plus cher un produit moins bien construit. L’absence
de gains de productivité tire aussi la filière vers le bas en l’empêchant
d’absorber les innovations techniques alors que l’industrie sait les
intégrer. L’État se substitue donc au marché par des réglementations
qui sont des palliatifs ».
LA
CHAÎNE DE VALEUR EN QUESTION
Évoquant
l’exemple de la RT2012, il indique que lorsqu’elle augmente le coût d’un
édifice, l’amélioration n’est pas absorbée par un gain de productivité et
qu’un tel système freine l’innovation dans le bâtiment. Or toute chaîne
de valeur qui sert mal ses clients pourrait d’après lui « laisser la
porte ouverte à de nouveaux entrants liés à l’arrivée du digital qui
amèneraient un service répondant aux besoins des clients et prélèveraient
de la valeur sur la chaîne de valeur existante ». Et de souligner que « si les
professionnels de la chaîne de valeur ne font rien, des acteurs s’appuyant
sur le digital vont se structurer et attaquer le marché, à la façon
de TripAdvisor ou de Booking.com, qui s’appuient sur la faiblesse d’une
chaîne de valeur pour déstabiliser l’hôtellerie en tuant de petits exploitants
et en prélevant des commissions sur les revenus des grands groupes ». Pour
faire progresser l’innovation et redonner confiance aux clients,
Saint-Gobain s’efforce de travailler avec l’ensemble des acteurs de
la chaîne de valeur – contributeurs, architectes, bureaux d’études,
start-up et laboratoires académiques. C’est le sens de la stratégie
multiconfort et des outils de mesure développés au nom d’un habitat esthétique
et économe en énergie doté d’un confort thermique, acoustique et visuel (voir
à ce propos le site du DomoLab, le centre d’innovation sur l’habitat de
Saint-Gobain).
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