« Small is beautiful »
Pour ne parler que des dernières décennies, s’il n’avait pas été possible à des architectes travaillant seuls, ou à deux-trois, d’accéder à la commande, l’architecture de Portzamparc, Nouvel, Barani, ou Lacaton & Vassal n’aurait jamais vu le jour. Que l’on apprécie ou non leur travail, le paysage architectural français en eut été modifié. Or, pour des raisons autant structurelles que conjoncturelles, les agences de petite et même de moyenne taille sont menacées. La complexification de l’encadrement technique et administratif qu’exige désormais la pratique de la maîtrise d’oeuvre rend de plus en plus héroïque l’exercice en solitaire. Avec la crise, qui cette année frappe durement la profession, les grosses agences, exsangues, viennent puiser dans le vivier de la commande des agences plus modestes. La taille ne préjuge certes pas de la qualité, mais elle détermine des approches de projet forcément différentes. Les grandes structures peuvent se permettre des investissements de recherche et une optimisation méthodologique grâce aux économies d’échelle.
La souplesse, la liberté et souvent la jeunesse des petites demeurent néanmoins une source de régénération indispensable à la discipline. Il serait catastrophique que ne puissent plus coexister différents types d’agences avec chacune leur espace d’expression et d’épanouissement. Il ne servirait à rien de privilégier tel ou tel type de professionnel, à moins de sombrer dans un poujadisme mortifère. C’est pourquoi les architectes sont peut-être aujourd’hui condamnés à transformer fondamentalement leurs modes d’exercice ou à en inventer de mieux adaptés aux nouvelles donnes du marché.
Emmanuel Caille