Architecte : Agence CAB Rédigé par Richard SCOFFIER Publié le 02/09/2013 |
Réalisation parue dans le cadre du dossier « Logement : espacer et rassembler » du numéro 220.
Les habitations peuvent protéger leurs occupants, en les enveloppant comme des terriers. Ou, au contraire, elles peuvent refuser de les sédentariser pour les porter dans la lumière et mieux leur rappeler qu’ils sont d’éternels nomades. Les logements sociaux construits par Jean-Patrice Calori, Bita Azimi et Marc Botineau dans un quartier en mutation en marge de Cannes, à proximité de la mer, semblent s’inscrire dans cette seconde hypothèse.
Qu’il s’agisse de logements ou d’équipements, l’agence CAB a développé, de projet en projet, une méthode qui s’affirme comme sa véritable signature. Elle reste toujours attentive à la ville, assimilée à un générateur de rencontres et de possibles. Elle ne considère jamais le sol comme une masse inerte dans laquelle la construction viendrait s’enfoncer. Et elle aborde le programme comme une partition transcrivant une symphonie de gestes que l’architecture se doit de mettre sobrement en scène. Ainsi leur crèche de La Trinité se constitue autour d’une juxtaposition de flux, comme un jeu de plateaux en lévitation, dans lesquels les enfants peuvent apprendre à se socialiser autour de leurs institutrices.
Les logements sociaux à énergie BBC (bâtiment basse consommation) réalisés pour l’Office de l’Habitat de Cannes procèdent résolument de la même vision stratégique de l’acte de bâtir.
Porter
La silhouette massive de l’édifice, dont on peine à deviner la destination, se découpe au fond d’une rue bordée de maisons, bientôt condamnées à disparaître au profit d’immeubles plus hauts et plus denses. Une rue des faubourgs ouest dont les habitants persistent à poser leur chaise à leur porte pour voir passer les gens et trouver le moindre prétexte pour engager la conversation…
La construction n’apparaît pas, elle surgit au-dessus d’une ligne d’ombre où l’on distingue les corps endormis des voitures. Le promeneur est immédiatement surpris par les porte-à -faux des coursives qui desservent les appartements comme autant de villas empilées. Aucun poteau, aucune console, juste des dalles découpées. Elles s’affirment comme autant de trottoirs superposés, des espaces de convivialité éloignés à bout de bras des logements pour en préserver l’intimité.
Ce système permet de dramatiser ponctuellement certains actes d’habiter. Ainsi le moment où l’on cherche ses clés pour rentrer chez soi après une journée de travail et où l’on hésite, entre deux mondes, à ouvrir la porte et franchir le seuil de son paradis ou de son enfer personnel. Les gestes les plus simples, les chorégraphies les plus triviales qui gisent au fond des programmes, sont réinterprétés et réactivés pour retrouver leur intensité.
Pas de second œuvre, la serrurerie – garde-corps intérieur et extérieur, menuiserie, volets – vient se fixer directement sur le cadre en béton brut. L’immeuble ose se présenter comme une simple ossature, ses dalles et ses refends porteurs déterminant des logements tunnels. Et il parvient à développer une poétique proche de celle de l’infrastructure, de l’ouvrage d’art. À l’image du pont qui mène ses utilisateurs d’une rive à l’autre, sans jamais se mettre en évidence, sans jamais s’immiscer, ni enfermer, ni enserrer, ni retenir… Une structure que l’on pourrait également assimiler à un corps, un corps qui porte.
Équiper
L’idée d’architecture comme élément porteur est complétée par celle d’équipement. La construction se présente ainsi comme une structure porteuse outillée et capable de réguler les échanges avec l’extérieur au moyen d’une multiplicité de diaphragmes et de filtres : pour se protéger des regards et de la luminosité et déterminer l’ombre nécessaire à toute intimité ou, au contraire, pour s’ouvrir sans retenue vers la lumière et vers la ville.
Les différents types de logements se déclinent à partir d’un T2 paradigmatique. Un dispositif constitué, à l’origine du projet, d’une zone humide centrale distribuant deux plateaux. L’un, orienté à l’est, et prolongé par une loggia munie de volets coulissants en tôle perforée ; l’autre, orienté à l’ouest, et prolongé par un jardin d’hiver, formé d’une double peau d’ailettes de verre pivotant horizontalement. Des surfaces sans affectations précises qui auraient permis à leurs occupants de rester nomades et de migrer à l’intérieur même de leur intimité, inversant au gré des saisons la position de leur séjour et de leur chambre. La solution s’est figée, sous l’impulsion du maître d’ouvrage, en assignant autour de la salle de bains à chaque fonction sa résidence : au séjour, la pièce attenante à la véranda, formant seuil et tampon thermique ; à la chambre, celle ouvrant sur la loggia. Ces cinq strates sont elles-mêmes coupées par une bande servante où s’alignent sas d’entrée, évier et appareillage électroménager, dressing, rangements et séchoir.
Pas de minimalisme, qui implique un travail sur la forme, mais une écriture blanche, volontairement neutre, celle de L’Étranger de Camus et celle du nouveau roman des années soixante. Nulle emphase, ni de pittoresque, seulement des mots simples, des mots nus qui nous permettent de voir l’architecture non comme ce qui symbolise, mais comme ce qui simplement porte et équipe, en relançant le projet moderne et en lui accordant un nouveau souffle.
Maître d'ouvrage : Office public de l'Habitat de Cannes et de la Rive droite du Var
Maîtres d'œuvre : CAB Architectes, Jean-Patrice Calori, Bita Azimi, Marc Botineau. Chef de projet : Aurélia Guimard
BET : structure, Turra ; économie de la construction, Zebra 3 ; génie climatique et électrique, Énerscop
Surfaces : 1 200 m2 Shab ; 1 700m2 Shon
Coût : 2,654 millions d'euros
Calendrier : concours, mai 2009 ; études, juin 2009-décembre 2009 ; livraison, novembre 2012
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