Le collège Anne-Frank d’Antony est l’un des premiers exemples de l’œuvre de Jean Nouvel, révélant des idées architecturales qu’il dépasserait plus tard. Quelques années plus tôt, en 1976, il avait cofondé le mouvement éphémère mais percutant « Mars 1976 » aux côtés de Bernard Huet et de Christian de Portzamparc. Ce mouvement, avec ses manifestes, ses expositions, ses débats et ses publications, remettait en cause le conservatisme qui avait enveloppé le mouvement moderne. L’establishment archi-tectural de l’époque, mené par des personnalités qui avaient étudié et travaillé sous la direction de Le Corbusier, avait, selon Nouvel, abandonné l’esprit originel de rupture avec le passé du modernisme. Il était devenu un simple style, un point bien illustré par l’exposition et le livre influents de Philip Johnson et Henry-Russell Hitchcock, « Le Style international ». Cette réalisation fait partie des 33 projets présélectionnés pour le prix d'architectures 10+1 2024.
À l’époque, le ministère français de l’Éducation nationale imposait des systèmes modulaires standardisés pour la construction des écoles afin de faire face au babyboom de l’après-guerre. Ce projet sera l’un des derniers réalisés selon ce système, la responsabilité étant peu après transférée aux départements. Confronté au système Coopebat, développé par Pappas et Séris, qui avaient même proposé son utilisation pour le Centre Pompidou, Nouvel se révolta. Pour ce projet livré en 1980, il n’utilisa que trois éléments sur les cinquante disponibles : un pilier, une colonne et un panneau de fenêtre.
Un puissant exemple d’« architecture critique »
Le résultat fut une trame de béton apparente, austère et rigide, faisant écho à l’architecture civile française symétrique que l’on retrouve dans les gravures de Durand. Les économies réalisées grâce à la réduction des surfaces peintes et au budget artistique obligatoire de 1 % furent canalisées vers une intervention artistique en collaboration avec Pierre-Martin Jacot. Cette œuvre subvertit de manière ludique l’austérité du bâtiment : éléments préfabriqués numérotés, fausses colonnes classiques (dont certaines sont comiquement incomplètes), statues sur le toit, moulures en stuc réutilisées et patères dans les joints de béton. Les panneaux de façade eux-mêmes font partie de l’intervention artistique, avec certains de leurs 18 panneaux de verre remplacés par des panneaux Eternit aux couleurs primaires pour créer (...)
Maîtres d'ouvrages :conseil départemental des Hauts-de-Seine
Maîtres d'oeuvres : Mars architectes ; façades, RFR ; structure, Batiserf ; économiste, BMF ; signalétique, Travaux-Pratiques ; paysagiste, Bassinet Turquin
Entreprises :entreprise générale, Bouygues bâtiment IDF ; façades, Jean Rossi (bardage), Kapeci (menuiseries extérieures)
Surface : 7 572 m2
Cout : 22 millions d’euros
Date de livraison : 2023