Architecte : Babin + Renaud Rédigé par Valéry DIDELON Publié le 05/09/2014 |
En remplacement de son théâtre municipal obsolète, la ville du Mans vient de se doter en centre-ville d’un équipement culturel majeur. Tant par la manière dont les usagers et les habitants s’approprient les lieux que par l’inhabituelle qualité de la construction en présence, le nouveau centre culturel des Quinconces s’affirme déjà comme une réalisation qui fera date.
Le concours d’architecture lancé par la ville du Mans et remporté en 2003 par l’agence Babin+Renaud – avec la participation du Catalan Carlos Ferrater – portait pour l’essentiel sur la mise en œuvre conjointe d’un théâtre, d’un multiplexe de cinéma et d’un parking souterrain sur un terrain bordé par les principaux édifices publics de la ville. Une double question se posait alors aux architectes. Comment s’accommoder d’une telle congestion programmatique ? Et comment assumer une présence forte dans l’espace urbain sans vainement rivaliser avec la cathédrale Saint-Julien, l’imposante Cité judiciaire construite dans les années 1980 ou l’Hôtel de ville installé dans l’ancien palais des Comtes du Maine ? Pour spécifique qu’elle soit, la réponse apportée n’en éclaire pas moins les enjeux que soulèvent plus généralement ces grands équipements culturels dont on attend aujourd’hui tant.
UN CONDENSATEUR SOCIAL
Plutôt qu’à un objet solitaire, forcément imposant sinon monumental, on découvre en arrivant sur la place des Jacobins deux volumes francs et distincts, de gabarit intermédiaire. Sur la droite se tient le théâtre enveloppé d’un rideau de verre sérigraphié ; sur la gauche, en lévitation et revêtue d’une belle pierre blonde, apparaît la partie émergée du multiplexe – Éric Babin et Jean-François Renaud ont été les seuls à proposer une telle fragmentation du programme lors du concours. Un même toit aiguisé comme une lame et étiré à l’horizontale chapeaute l’ensemble et abrite un parvis tourné vers le chevet de la cathédrale, lequel se prolonge perpendiculairement entre les deux équipements jusqu’à un deck qui surplombe à l’arrière l’esplanade des Quinconces.
Qu’observe-t-on aux abords du théâtre et du multiplexe ? Dans la continuité de leurs foyers respectifs, les spectateurs se mêlent au gré des situations d’attente et du flux et reflux que génèrent les représentations et les projections. Ils croisent le chemin des badauds qui vont et viennent entre la place et l’esplanade, que ce soit à l’occasion des activités quotidiennes, du marché hebdomadaire ou de la pesée annuelle des véhicules participants aux Vingt-quatre Heures du Mans. Bref, l’agitation urbaine est à son comble, à l’évidence encouragée par l’agencement des deux édifices et par le dimensionnement précis des espaces ouverts. Singulièrement, les architectes ont su dépasser les oppositions convenues – et de plus en plus vides de sens – entre espaces publics et privés, activités non lucratives et marchandes, culture savante et populaire. Ils ont conçu un cadre pour la vie collective, un haut lieu de festivités pour les Manceaux.
MAKING OF
Le centre culturel des Quinconces tel qu’il apparaît aujourd’hui est le fruit d’un processus de conception et de réalisation rondement mené. Aussitôt choisis, les architectes ont su se mettre à l’écoute des trois destinataires – l’équipe du théâtre, Europalace, le gestionnaire du multiplexe, et Le Mans Parking – présents derrière le maître d’ouvrage unique, la ville du Mans. Il leur a fallu déminer les multiples conflits d’usage potentiels et relever les défis techniques afférents. Comment par exemple assurer le confort acoustique de salles de cinéma directement installées sous un parvis aussi fréquenté ? La mise au point de la structure mixte acier-béton comme celle de la façade du théâtre – rendu véritablement transparente à force d’étude – a par ailleurs donné lieu à des négociations permanentes avec l’entreprise générale et ses sous-traitants. Tout au long des deux ans et demi de chantier, les architectes ont ainsi su faire évoluer leur projet initial, le défendant moins qu’ils ne l’amélioraient au gré des difficultés techniques et des aléas économiques rencontrés.
Deux observations peuvent être faites ici. En premier lieu, cette capacité d’adaptation et d’écoute des architectes est largement à l’origine de l’accueil très positif réservé au final au bâtiment. La confiance que ceux-ci ont établie avec la maîtrise d’ouvrage et les entreprises l’a emporté sur les relations strictement contractuelles. On peut d’ailleurs se demander si les prochaines évolutions réglementaires, celles qui visent notamment à imposer le BIM dans les marchés publics, laisseront toujours de la place à de tels arrangements sur site et en temps réel. En second lieu, en dépit de changements substantiels du programme, le budget de construction n’a été dépassé que d’environ 10 %. Cela démontre, si besoin en est, qu’il n’y a pas de fatalité à l’envolée des coûts en matière de réalisation d’équipements culturels complexes. On le voit, on est bien loin ici des psychodrames – quand il ne s’agit pas de procès – qui entourent souvent la livraison des équipements culturels de prestige.
UNE MACHINE PARFAITEMENT HUILÉE
De part et d’autre du parvis empierré, on accède aux espaces d’accueil du théâtre et du multiplexe. D’un côté, on monte vers un grand foyer libre de toute structure porteuse, lequel enveloppe la salle de spectacle recouverte sur son extérieur d’un lattis de bois clair. De l’autre côté, on descend vers la billetterie designée par Ora-ïto à partir de laquelle se distribuent les salles de projection, notamment via une étonnante rue intérieure. Un même soin et souci du détail unissent ces espaces fréquentés par des publics souvent considérés inégalement. La salle de théâtre équipée d’un balcon et d’un parterre modulable offre des conditions de visibilité et d’audition optimum, tandis que sa vaste cage de scène permet qu’on y monte des spectacles de théâtre, de danse, d’art lyrique, d’opéra. Les onze salles de cinéma ne sont pas en reste, pour certaines enfouies sous terre, pour d’autres suspendues dans les airs, accessibles par de vertigineux escalators.
À l’arrière du complexe, dans un socle épais assurant la transition entre les niveaux haut et bas du site, on trouve une salle de répétition, une galerie d’exposition et un espace de réunion où se tiennent désormais les conseils municipaux. Les trois s’ouvrent d’un côté en partie haute vers l’esplanade des Quinconces, et de l’autre côté en partie basse sur deux patios arborés. L’ensemble fonctionne là aussi en autonomie par rapport au théâtre et au multiplexe.
In fine, les bonnes intuitions des architectes comme le volontarisme de l’équipe municipale se trouvent magnifiées par l’exceptionnelle qualité de la mise en œuvre, que l’on pense à la manière dont le murideau du théâtre rencontre si nettement le toit du bâtiment, à la façon dont les loges sont aménagées avec soin ou au dessin rigoureux du parvis. Loin de rechercher un illusoire effet Bilbao, les uns et les autres ont ainsi doté Le Mans d’un outil de diffusion de la culture qui brille plus par ce qu’il rend possible que par ce qu’il donne à voir.
Maître d'ouvrage : Ville
du Mans
Maître d'œuvre : Babin+Renaud.
Architectes associés : OAB
BET
fluides et structure : Grontmij Sechaud Bossuyt
BET façade :
VS-A
Économie : Tohier
Acousticien : ASE Internationnal
Paysagiste : Michel Desvigne
Groupement d’entreprises :
Heulin Le Batimans / Soletanche Bachy / Hrc / Axima Seitha /
Garczynski Traploir
Le
théâtre :
Configuration
standard : 832 spectateurs. Fosse d’orchestre pour 70
musiciens. Surface de la scène de 372 m². Loges collective et
individuelle. Foyer des artistes de 260 m². Salle
de répétition de 296
m², configurable en salle de spectacle pour 120 spectateurs.
Le
multiplexe de cinéma : 11 salles
avec une capacité totale de 2116 places. Un café de 209
m² et un espace d’exposition de 132 m².
Autres
espaces principaux : Une
salle de réunion de 330 m². Une salle d’exposition de 324 m²
avec 47 m² de réserves. Un parking souterrain de 610 places + 88
places deux roues.
Calendrier :
2002-2014.
Surface :
15565 m² de Shon. Parking : 28198 m² de Shob.
Montant
de travaux : 75,4 millions d’euros
Lisez la suite de cet article dans :
N° 229 - Septembre 2014
[ Maître d’ouvrage : Groupement local de coopération transfrontalièreArchitectes : Devaux &… [...] |
Clermont-Ferrand[ Maître d’ouvrage : client privé – Maître d’œuvre : Récita architecture … [...] |
[ Maîtrise d’ouvrage : BAST, architecte mandataireMaîtrise d’œuvre : commune de Montjoire&nbs… [...] |
[ Maîtrise d’ouvrage : commune de VelainesMaîtrise d’œuvre : GENS ; BET TCE, BET2CSignalétiq… [...] |
[ Maître d’ouvrage : Legendre immobilier – Maîtres d’œuvre : Atelier Kempe Thill (mandatair… [...] |
Maîtres d'ouvrages :conseil départemental des Hauts-de-SeineMaîtres d'oeuvres : Mars archite… [...] |
Réagissez à l’article en remplissant le champ ci-dessous :
Vous n'êtes pas identifié. | |||
SE CONNECTER | S'INSCRIRE |
> Questions pro |
Quel avenir pour les concours d’architecture ? 4/6
L’apparente exhaustivité des rendus et leur inadaptation à la spécificité de chaque opération des programmes de concours nuit bien souvent à l… |
Quel avenir pour les concours d’architecture ? 3/6
L’exigence de rendus copieux et d’équipes pléthoriques pousse-t-elle au crime ? Les architectes répondent. |