Plus que du logement
Si nous devions recenser la multitude des typologies de logements collectifs imaginés par les architectes depuis un siècle – des plus extravagantes aux plus conventionnelles – et que nous les comparions à l’évolution réelle des formes de l’habitat au terme de cette période, tous ces efforts déployés paraîtraient désespérément vains, tant perdurent les modèles traditionnels. Est-ce parce que dans tout ce qui détermine la forme du logement aujourd’hui la question morphologique elle-même est reléguée à l’arrière-plan ? Nombre d’acteurs de la construction font remarquer que les déterminants générés par le foncier, le mode de financement et, bien sûr, les réglementations paraissent souvent plus prépondérants. Mais, parce que ces facteurs n’agissent pas directement sur la forme et la qualité du logement, évaluer leur rôle est difficile. Nul doute que pour faire évoluer l’architecture du logement, il faudrait mieux comprendre et mieux maîtriser ces mécanismes.
C’est une des raisons pour laquelle nous nous sommes intéressés à l’expérience zurichoise des coopératives et à la manière dont la ville a choisi de renouveler son parc de logement. Le goût supposé des Suisses pour la modernité, l’investissement budgétaire (que les Français surestiment souvent à tort) et le talent des architectes locaux sont loin d’expliquer à eux seuls la qualité et l’originalité de ces opérations. Il faut sans doute davantage en chercher les causes dans la volonté politique et les moyens qu’elle se donne pour y parvenir. Le secret de cette réussite tient peut-être également à une forme traditionnelle de production du logement que l’on retrouve aussi dans les pays scandinaves : le système des coopératives. La France, arc-boutée sur l’alternative propriétaire/ locataire, serait-elle prête à s’ouvrir à cette culture ?
Emmanuel Caille