Lorsqu’à la fin du XXe siècle fut construit un chai viticole en pierre massive à Vauvert (Gard), l’évène- ment fut à peine remarqué et apparaissait presque comme une fantaisie. Car l’usage de cette technique de construction, gloire de toute architecture depuis les pharaons, avait complètement disparu en Europe. Depuis les années 1960, l’ultime impulsion qu’avait offerte l’œuvre hors normes de Fernand Pouillon était restée sans héritage. Un quart de siècle après, un architecte découvre presque par hasard les blocs mal équarris d’une carrière. La massivité et la matérialité de ces monolithes abandonnés s’imposent alors à lui comme une évidence et il décide de les utiliser pour construire son propre chai à Vauvert. C’est ainsi que Gilles Perraudin initia un mouvement dont nous commençons enfin à récolter les fruits.
La production en éléments massifs porteurs est certes encore très confidentielle si on la compare à l’ensemble de bâtiments construits chaque année, mais elle s’est accélérée depuis peu, en témoigne le nombre croissant de réalisations que nous envoient désormais les architectes.
La pierre, c’est un peu comme le pisé : tout le monde l’aime, mais au-delà de ce sympathique engoue- ment, peu de gens croient vraiment en son développement et savent la mettre en œuvre. Pour qui se sent architecte, la pierre massive a quelque chose de ludique, nous renvoyant aux jeux de notre enfance, à l’émerveillement des vieilles bâtisses, des châteaux et des belles ruines... Mais elle nous oblige aussi à un minimum de rigueur lorsqu’il faut penser comment construire avant de penser « formes ». Son usage semble paré de toutes les vertus : peu énergivore, imposant une stéréotomie qui ne « triche » pas, localement disponible et réemployable... Elle flatte aussi l’actuelle soif d’authenticité, la nostalgie du geste premier, l’utopie d’un archaïsme perdu, au risque parfois d’une déconnexion fatale avec la violente réalité du système productif quand le béton impose ses logiques de marché.
Mais les réalisations que vous découvrirez tout au long de ce numéro démontrent à ceux qui en dou- teraient encore tous les atouts économiques et techniques de la pierre massive. Des architectures qui, sans renier l’héritage moderne, savent s’affranchir sereinement de ses dogmatismes.
EC
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