Paris vs Londres
Les anglais, si attachés dit-on à l'histoire et aux traditions, paraissent pourtant moins timorés que les parisiens en matière d'urbanisme. C'est l'impression qui se dégage aujourd'hui d'une promenade dans les rues au tracé médiéval de la City londonienne. De Lime Street à St. Swithin's Lane, du Lloyd's building (1978-86) de Richard Rogers au nouveau siège de la banque Rotschild que vient de livrer l'OMA au chevet de l'église St Stephen Walbrook, le marcheur déambule entre un bâti fortement hétérogène. Les styles les plus opposés s'y mêlent, cohabitant avec plus ou moins d'égard pour les anciens. Curieusement, de cette diversité d'échelles, de formes et de matériaux, émane une certaine eurythmie où subsiste toujours quelque chose de gothique. N'est-ce pas justement ces confrontations et cette promiscuité parfois violentes qui perpétuent l'esprit héritée du Moyen-âge? Là où, rétif à l'hétérogénéité, l'ordre haussmannien peine à se renouveler dans la modernité, le scénario urbain londonien manifeste une étonnante capacité d'adaptation, assimilant les constructions les plus monstrueuses. Sobre mais radical dans sa différence, le bâtiment de l'OMA s'inscrit à rebours des élucubrations de starchitectes. Gothique, miesien et à la fois très actuel , il offre une grande leçon de contextualisme dans un dialogue subtil avec le modèle urbain traditionnel.
Pendant ce temps à Paris, les arguments écologistes les plus réducteurs servent de caution à un immobilisme qui muséifie la ville en parc à thème. Quelques opérations clinquantes, des animations culturelles et festives sur les berges de Seine parviendront-elles à masquer l'absence de vision urbaine moderne? Démagogie et préjugés contre l'automobile conduisent à des décisions qui en amplifient souvent les nuisances. Ainsi le projet d'aménagement actuel contre les voies express rive gauche et Georges Pompidou trahit cette difficulté parisienne à se penser autrement que dans une image d'Épinal figée au 19ème siècle.
Emmanuel Caille