autoportrait |
Pour Jean-Christophe Béchet, une photographie n'existe pas tant qu'elle ne figure pas dans un livre, et les expositions ne sont que des événements autour des ouvrages qu'il publie régulièrement. Dernier opus en date, American Puzzle récit du crépuscule d'un grand empire. |
C'est en 1991, au début de la première guerre du Golfe, que Jean-Christophe Béchet se lance dans la carrière de photoreporter, après des études de photographie à l'école d'Arles. Une orientation professionnelle qu'il abandonnera bien vite pour explorer des voies d'expression plus inédites et construire une photographie d'auteur, « à la manière d'un écrivain ou d'un essayiste ». Il choisit de développer son travail autour de livres, qui constituent le point de départ et l'aboutissement d'une recherche photographique. Qu'elles soient collectées au hasard des déplacements ou dans le cadre de projets définis, ses images finissent invariablement imprimées et reliées, suivant une économie précaire qui a trouvé son équilibre.
Electric'Cités, publié en 1997,
sera le premier ouvrage d'une série qui compte pour l'instant
neuf titres. C'est un recueil d'images réalisées durant les
heures noires, dans des villes que le photographe découvrait lors du
temps libre que lui laissaient des commandes plus commerciales. Le
noir et blanc et la couleur sont mêlées, « la première chose
que l'on m'avait déconseillé de faire », se rappelle
Béchet, qui compare les deux techniques à deux instruments de
musique, deux visions qui se répondent et qu'il n'entend pas se
priver d'utiliser. Les villes telles que nous les montre Béchet
sont granuleuses, grouillantes, chaotiques. Dans le cadre de l'image
viennent se télescoper les différentes références. « J'aime
mettre en avant les signes spécifiques d'une époque, placer dans
l'image des éléments que les photographes cherchent souvent Ã
éliminer – les poteaux
électriques, les voitures –, qui sont des marqueurs du temps. Une
Trabant apparaît déjà comme insolite. En 2050, les Twingo, si
banales, nous paraîtront étranges. » Les vues, peu léchées,
rappellent davantage la photographie d'ambiance d'un Plossu, d'un
Robert Frank, que les rigueurs géométriques d'un Cartier-Bresson.
Autre divergence avec le célèbre photographe attaché à son inamovible Leica, Béchet change souvent d’appareil, en fonction des projets. « La matière photographique a une influence sur ce que l’on montre. Si les boulevards urbains sont vides sur les photographies du XIXe siècle, c’est d’abord parce que l’on ne disposait que de films très lents, dont la sensibilité, égale à quelques ISO, ne permettait pas de figer les gens et les objets en mouvement. Aujourd’hui, les nouveaux appareils atteignent les cent mille ISO, permettant des photographies dans des ambiances très sombres. L’esthétique dérive aussi de données techniques. Je fais souvent le parallèle avec les instruments de musique. Les orgues électroniques savent sans doute tout faire, mais on peut préférer un vieux piano à David Guetta. » Ou aimer les deux. Jean-Christophe Béchet ne s’interdit aucun outil, ni aucune technique, et explore le potentiel de tous, quitte à empiéter sur les terrains de la photographie conceptuelle. Il a consacré un livre aux amorces de ses films argentiques (les premières photographies d’une pellicule, souvent partiellement voilées). Un travail évoquant les verifiche de l’Italien Ugo Mulas.
PUZZLE AMÉRICAIN
Le dernier ouvrage de Béchet est une série d’images réalisées aux États-Unis ces seize dernières années. Un défi en soi, si l’on songe à la multitude des regards qui se sont déjà penchés sur le sujet. Walker Evans, puis Garry Winogrand, Robert Frank, Lee Friedlander, William Eggleston et d’autres n’auraientils pas en effet épuisé le sujet ? Mais comme le note Béchet, jamais en peine d’une métaphore musicale, « on a bien continué à jouer du saxophone après Coltrane ». Rejetant le style carnet de route ou la logique de l’inventaire systématique d’objets supposés typiques – la pompe à essence, les diners –, il a construit son propos autour de thématiques personnelles. Certaines tirées de deux romans de Faulkner, Le Hameau et La Ville, ou d’autres qui lui paraissaient correspondre aux réalités qu’il rencontrait, les panneaux de basket, la religion. Des histoires de photographe également : des magasins de photographie en faillite ou les usines Kodak de Rochester, symboles d’une industrie triomphante aujourd’hui en déroute. Le propos se veut discrètement engagé. Les images montrent surtout un pays en déclin : les centres-villes vides, les macadam cow-boys fatigués : Béchet garde de la toujours première puissance mondiale l’impression d’un « pays cabossé ». Pourtant, même dégradé, le territoire conserve son potentiel iconique. Qu’est-ce qui fait la photogénie d’un lieu ? Le fait que l’on s’y confronte à des souvenirs littéraires, des musiques que l’on aime, des livres de photographie, des films, répond Béchet, dont les images résonnent de musiques de Springsteen et de free jazz. Malheur aux lieux que personne n’a jamais chantés : ils mourront oubliés de tous, sans même une image d’adieu.
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