Architecte : atelier Bow-Wow, avec Axel André et Xavier Brunnquell Rédigé par Pascale JOFFROY Publié le 05/11/2012 |
Élément banal des rues, l’immeuble de logement capte l’esprit des villes. Faut-il venir de loin pour saisir avec justesse cet esprit du lieu ?
Après Herzog et de Meuron, puis Diener et Diener, l’équipe japonaise Bow-Wow livre en finesse sa vision de Paris, avec une distance qui en questionne le sens. Comme à Tokyo leurs minuscules maisons, leur immeuble parisien réagit à l’histoire parisienne comme s’il se chargeait d’en révéler les particularités. Le bâtiment est situé rue Pierre-Rebière, où s’achève la construction de 200 logements compris dans le Grand Projet de renouvellement urbain de la porte Pouchet. L’intérêt de cette opération très médiatisée par la Ville est d’avoir fabriqué du foncier de toutes pièces en récupérant sur la voirie une bande constructible aux dimensions atypiques (600 x 12,50 mètres) adossée contre le cimetière des Batignolles. Cette situation justifiait quelques singularités : une majorité de logements sociaux, pas de parking, un seul bailleur, une désignation sans concours d’architectes atypiques ou venus d’ailleurs. Le résultat prend malheureusement l’allure d’un catalogue d’objets « célibataires » plantés comme des poteaux le long de cette bande étroite. Pour montrer les arbres du cimetière, fallait-il systématiser les césures larges, sans surprise et quasi sans usage ?
Les Japonais ont déjoué habilement le piège de cette fabrique à images pour privilégier une vision plus sensible et habitée de la profondeur. Yoshi Tsukamoto a étudié durant un an à l’école d’architecture de Paris-Belleville (lire le portrait de Bow-Wow dans d’a n°198) ; il a sillonné Paris à nouveau avec les architectes français Xavier Brunnquell et Axel André, avec lesquels il a souhaité une association complète pour ce projet. Il raconte dans $Echo of Space$ sa perception de l’espace public parisien, à la fois ouvert et continu. De là sans doute ce projet, qui transgresse le simplisme des plots pour installer un domaine collectif riche de vues et de pratiques au seuil du logement : en largeur, trois bâtiments au lieu de deux ; en profondeur, une stratification inattendue qui défie la minceur du terrain. La longueur du bâtiment principal restitue le linéaire de façade dans un rôle urbain que les plots semblent esquiver. Son recul par rapport à la rue lui donne de l’ensoleillement au sud face à son vis-à -vis élevé et organise en même temps une succession de lieux attachés à la vie quotidienne : le hall et sa grande baie horizontale, le porche et sa colonnade, puis l’espace semi-collectif destiné aux jeux et aux fêtes entre voisins, une exception dans la rue. Le banc qui s’insère dans sa façade donne à regarder ce « territoire du logement » dans le jeu des épaisseurs, pendant que l’on se repose ou bavarde.
La configuration des bâtiments choisie par les architectes se réfère à des types parisiens connus, actualisés par des écarts discrets d’interprétation. L’immeuble principal évoque une barre à la banalité distinguée, mais prend également des airs d’haussmannien avec ses percements jusqu’au sol et sa façade « tant plein que vide ». Les deux maisonnées latérales tiennent de l’habitat faubourien, mais encadrent le bâtiment central comme les pavillons sur rue d’un hôtel particulier. Le travail plastique de la façade confirme ce questionnement des genres en exploitant jusqu’à la caricature les éléments standard de l’habitat social : un enduit classique, une porte-fenêtre unique, un barreaudage uniforme. Mais trois largeurs de balcon différentes et un décalage « aléatoire » de 15 centimètres entre les travées suffisent à imprimer une vibration légère qui met l’espace en mouvement. S’agit-il d’un regard amoureux porté sur nos archétypes ou d’un regard critique ? La réponse reste suspendue dans la légèreté d’une démarche sans rhétorique, simple invitation sans doute à regarder autrement.
Le recul du bâtiment en « placard » contre le mur du cimetière laisse aux appartements moins de largeur que le standard actuel (8,60 mètres), mais les architectes savent tirer parti des dimensions réduites. Ils accusent en contrepartie l’effet de longueur en faisant glisser les façades devant les pièces en enfilade, salles de bains comprises. Les jours secondaires autorisés sur le cimetière éclairent les cages d’escalier, les cuisines, les salles d’eau ou leur dégagement. La porte-fenêtre systématisée (il y en a quatre dans les séjours d’angle) réduit l’habitabilité dans les logements les plus petits, mais projette littéralement l’espace intérieur vers les balcons, l’effet du prolongement extérieur aiguisé par leurs profondeurs différentes. Comme un souffle d’air proposé aux modes de vie, quelques surprises, comme le placement d’un balcon large devant une salle de bains ou un dégagement, suggèrent de ne pas enfermer les usages dans des a priori. Les balcons les plus profonds peuvent acquérir une forme d’autonomie et prendre des allures de pièce supplémentaire aux beaux jours. Sans intimité cependant, car les vues diagonales de balcon à balcon obligent à assumer une forme de collectivité : une vision qui sait finalement très japonaise de la ville dense ?
Maîtres d'ouvrages : Paris Habitat OPH
Maîtres d'oeuvres : Atelier Bow-Wow; Yoshi Tsukamoto et Momoyo Kaijima et Simon Morville (architecte assistant), Agence Brunnquell & André; Axel André et Xavier Brunnquell
Entreprises : BET; SIBAT, entreprise générale; Léon Grosse
Surface SHON : 1990 m2
Cout : 2,59 M € H.T.
Livraison : septembre 2012
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