William J. R. Curtis |
Connu pour ses ouvrages sur l’histoire de l’architecture et, plus récemment, pour ses prises de position critiques, William J. R. Curtis cultive également une oeuvre de dessinateur et de photographe: un autre moyen d’explorer l’architecture et d’atteindre à une certaine vérité ou à une poésie de l’objet bâti. |
La photographie a eu maille à partir avec l’architecture dès l’invention du médium : l’une des premières images prises par Niepce ne représente-t-elle pas la cour de sa propriété, seul sujet suffisamment statique pour supporter sans broncher les longues heures de pose nécessaires à la prise de vue ? Par la suite, des architectes, des historiens ou des designers se sont emparés de l’appareil photographique devenu plus mobile. Dans la lignée du Bauhaus et des constructivistes, ils se servent de ce nouvel instrument pour découvrir un autre rapport aux objets autant que pour documenter des aspects particuliers de l’architecture. Si Le Corbusier jugeait la photo comme un outil pour les fainéants, Mendelssohn, puis, plus tard, Ettore Sottsass ou l’historien Henri Stierlin l’utiliseront dans un registre variant du documentaire à la narration poétique ou à l’installation artistique. L’image argentique supplante l’image dessinée.
S’il est aussi un historien reconnu, William J. R. Curtis est moins attiré par l’aspect documentaire de la photographie que par son aspect quasi mystique, son alchimie. «Mes photos ne sont pas faites pour servir mon travail d’historien, c’est une réaction au monde, à l’immédiateté. Je les prends pour réagir à quelque chose de très fugace, une ambiance ; toute la fascination de la photographie est là. C’est un médium du momentané à travers lequel on peut trouver une structure, une composition, même si je n’aime pas beaucoup ce mot qui indique que l’on est en train de réfléchir. Mais il y a tout de même une géométrie, une tension, le mélange curieux de quelque chose qui est là, presque invisible. La photographie est révélatrice de l’expérience architecturale ou de choses qui sont même au-delà de cette expérience, l’atmosphère d’un lieu, l’essence même d’un bâtiment. Pour moi, une photographie réussie est un mélange des aspects spatiaux, de la lumière et des ombres […] et il doit y avoir une ambiguïté, un mystère dans la révélation de ce qui est déjà là, qui m’intrigue toujours. Je suis persuadé qu’une photo peut déclencher quelque chose en nous qui libère l’imagination. »
UN ŒIL QUI SE SOUVIENT
Dans Structures of Light, recueil de ses photographies, la Maison carrée de Nîmes – revue par Norman Foster – fait face au pont de Brooklyn. Le face-à-face des images permet la confrontation libre d’objets que ne relie aucun fil historique. L’historien caché derrière le photographe nie l’intention, mais insiste sur l’importance de la monstration de la photographie. « C’est presque impossible de concevoir la photographie comme un objet isolé, on ne peut pas regarder une image sans contexte. Il y a toujours un contexte : c’est dans un journal, il y a une légende, pas de légende, elle se trouve dans un musée, dans un livre… Je travaille toujours sur les mises en espace dans mes expositions. » Le montage à son importance : « J’ai été très influencé par les écrits d’Eisenstein. Dans un de ses ouvrages, le cinéaste russe parlait du montage comme moyen de générer une idée par la juxtaposition de deux images. »
Quelles influences se reconnaît l’historien, qui a, de son propre aveu, énormément absorbé d’images au cours de sa carrière ? « En anglais, on parle de “An eye that remember” (un oeil qui se souvient). Il y a beaucoup de perspectives frontales dans mes images, parfois la structure est symétrique ou évoque Piero della Francesca, mais je ne cherche pas à faire de clin d’oeil à un peintre. J’ai une vision poétique particulière. Parmi les photographies qui m’intéressent, on a par exemple les images d’un Anglais qui est allé en Égypte, en 1880, Francis Frith. J’ai toujours à côté de moi ses photos des pyramides, qui évoquent une transparence de ces bâtiments denses, parfaites, des photos haute tension. J’imagine aussi que j’ai absorbé quelque chose de Boissonnas, pillé par Le Corbusier. Et parmi mes photographes middle distance, je peux citer Bill Brandt. Je ne suis pas très intéressé par les grands formats, la flatness, les vues de banlieues façon “école de Düsseldorf”. Ces images se basent presque toujours sur un a priori selon lequel il n’y a rien à révéler. Je suis au contraire toujours persuadé qu’il y a quelque chose derrière : mon attitude est que le monde est suffisamment intéressant pour qu’il ne soit pas nécessaire de le manipuler. C’est bizarre, troublant, énigmatique, sans rien faire. » William J. R. Curtis prépare actuellement un travail sur les paysages, sans architecture. Une façon de parler du monde sans l’homme qui l’habite ? « L’homme n’est finalement qu’un tout petit épisode dans l’histoire de la planète », ironise-t-il.
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