Samuel Hoppe : l’autre montagne

Rédigé par Anne FREMY
Publié le 14/11/2024

Article paru dans d'A n°321

Photographe et marcheur, Samuel Hoppe quitte régulièrement sa librairie parisienne (la bien nommée Volume) pour arpenter en solitaire les reliefs montagneux européens. Il s’en saisit au plus près, à hauteur du regard et au rythme de la marche. Anti-panoramiques, ni lointaines ni surplombantes, ses prises de vue révèlent la diversité et les richesses morphologiques des paysages minéraux qu’il traverse en leur portant la plus grande attention, au plus proche de leur intimité et de leur beauté.

Cet ensemble de photographies a été réalisé entre 2019 et 2023 et représente plusieurs chaînes montagneuses : les Alpes françaises, les Hautes-Pyrénées et le Jotunheim, au sud de la Norvège. Les prises de vue sont toutes réalisées à une altitude de plus de 1 600 mètres, au niveau de l’étage « nival », qui donne son titre au livre que Samuel Hoppe publié en 2023 aux éditions Rue du Bouquet. Nival qualifie ce qui a trait à la neige et l’étage nival désigne la zone supérieure des massifs, située au-dessus de l’étage alpin : « Ici, au-dessus des nuages, tout est roc nu… » (Léonard de Vinci1).
Les cols et leur succession guident la marche du photographe. L’historien Jules Michelet, auteur de La Montagne publié en 1868, exprime sa préférence pour ces passages « à la limite de deux vallées et de deux mondes2 ». Samuel Hoppe trace également sa route de col en col, pour les mêmes raisons que celles énoncées par Antoine de Baecque : « Ce n’est pas une randonnée qui vise au sommet, à la curiosité esthétique ou au ravissement paysager, conquérant un pic, ayant pour but un lac, une cascade ou une vue exceptionnelle. Mais une marche dont le seul objectif est la nécessité du passage, néanmoins ponctuée par de soudains changements de point de vue avec l’apparition au col d’un nouvel horizon alpin. Utile, endurante, la vertu cardinale de cette marche est sa modestie. C’est elle, cependant, qui s’avère la mieux récompensée, faisant varier jour après jour les paysages de façon cyclique par la succession des cols et des vallées3. »
Dans cette œuvre, la marche et la photographie sont indissociables, non seulement comme modes de déplacement (physique et mental), mais comme mode de compréhension de soi et du monde. Selon Frédéric Gros, « Platon se demande ce que “connaître une chose” veut dire. Il propose quatre degrés de la connaissance de toute chose : connaître son nom, en posséder une image, en avoir une science, et, enfin, s’y “frotter”. Cette métaphore du frottement exprime (...)

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