Valoriser un paysage, puis l’intensifier par l’architecture, internat de 150 places, Chelles

Architecte : Pascale Guédot
Rédigé par Cyrille VÉRAN
Publié le 05/01/2021

En réponse à la commande pour un lycée francilien, l’architecte Pascale Guédot a choisi d’effectuer un pas de côté déterminant : s’attacher d’abord au potentiel paysager du site et à sa mise en valeur, pour se donner ensuite les moyens de le révéler par l’architecture. Le nouvel internat campe aujourd’hui dans un parc boisé, qui met à distance la vie lycéenne pour mieux explorer et capter les vues sur cet environnement remodelé. Incrustée dans un squelette de béton brut, l’impressionnante collection de baies, soigneusement menuisées, confère une expression sobre et immuable à l’édifice, dans laquelle vie collective et intimité trouvent une place réglée.

 

Bordés de maisons pavillonnaires, d’entrepôts et de lignes à haute tension, les lycées Gaston-Bachelard et Louis-Lumière font partie de ces paysages ordinaires de la grande banlieue parisienne dont le capital semble bien maigre pour qui ne sait en déceler certaines qualités. Dans l’enclave scolaire, la première d’entre elles réside dans ce foncier disponible qui offre de l’air et des espaces de liberté aux élèves, malgré l’empiétement d’aménagements nécessaires (CDI, cantine, préau d’entrée).

La parcelle dédiée à l’internat occupe l’une de ses franges boisées, un cadre qui ne demande qu’à être étiré à condition de prendre le risque, au moment du concours, de supprimer la voie carrossable qui la longe. La commande porte sur la construction d’un internat et non la constitution d’un paysage. C’est néanmoins ce sur quoi décide d’agir préalablement l’architecte Pascale Guédot, accompagnée de la paysagiste Carolina Foïs. Dans l’économie du projet, cela suppose d’affecter une part du budget de la construction à ces aménagements modestes, mais essentiels pour conforter l’ambiance paisible et palpable du lieu. La proposition préserve l’intégralité du patrimoine arboré, et l’étoffe pour former un filtre entre l’internat et le lycée (et éviter la clôture demandée par la maîtrise d’ouvrage). La topographie du terrain, en légère déclivité, est laissée telle quelle, des parterres engazonnés – et perméables â€“ se substituant au bitume. Ces gestes simples, qui outrepassent la prescription architecturale, assoient la présence du paysage boisé. La suppression de la voie de desserte permet en outre de placer l’internat en recul du lycée pour l’immerger davantage dans le site remodelé en parc. Un environnement qui peut revêtir toute son importance quand on est interne dans une chambre exiguë…

 

Baies actives

Pascale Guédot rappelle les surfaces de ce programme particulièrement normé auquel il est impossible de déroger : l’internat, d’une capacité de 150 Ã©lèves, se répartit entre des chambres individuelles de 9 m2 pour les majeurs, et d’une trentaine de mètres carrés pour les mineurs qui les partagent à trois. Lorsqu’on ne peut agir sur la surface de la pièce, travailler les échappées visuelles, les profondeurs de champs, la porosité entre l’intérieur et l’extérieur est une autre manière d’apporter confort et qualité. On comprend dès lors la profusion des baies qui courent tout au long de l’internat et nouent un lien fort avec le paysage depuis les chambres, mais aussi les espaces de distribution, les foyers, salles de travail, etc. Leur rythme, leur format généreux, comme leur motif, réinterprètent la trame régulière du lycée. La maîtrise du détail de l’architecte se mesure à leur dessin impeccable. Chaque fenêtre assemble un grand châssis vitré fixe et un panneau menuisé particulièrement massif intégrant l’ouvrant – et les grilles d’aération dissimulées avec soin. En façade, l’échelle de ces pièces préfabriquées, en bois de mélèze abouté, floute la lecture de la petite unité de la chambre. Dans la pièce, la présence du bois tempère à l’inverse leur dimension imposante, et introduit une note domestique qui équilibre le traitement volontairement brut du plafond, en béton apparent.

Si elles procurent une qualité d’usage indéniable dans le fonctionnement de l’internat, ces baies menuisées concourent aussi à son expression architecturale. Elles sont serties dans un squelette structurel de béton brut, qui se donne à lire dans son épure. Son calepinage et sa texture retracent l’empilement de la matière, l’histoire d’un chantier rudimentaire réalisé à l’aide d’un coffrage en planches de bois des plus basiques. La sobriété du langage et la structure mise à nu confèrent une esthétique immuable au nouvel équipement, qui s’accorde avec justesse à l’architecture un peu désuète du lycée des années 1960.

 

Du collectif à l’intime

Cette enveloppe élémentaire, dont on perçoit l’exigence qu’elle suppose, file sur les quatre corps de bâtiment qui composent l’internat. Leur répartition obéit à une logique fonctionnelle qui sépare l’hébergement des mineurs et celui des majeurs, tout en rendant possible la mutualisation de certains espaces à rez-de-chaussée. Cette injonction paradoxale d’indépendance et de proximité a déterminé l’implantation. Afin de minimiser les vis-à-vis entre les deux entités, les mineurs sont logés dans un volume parallèle au lycée (R+2), tandis que les majeurs se répartissent dans deux corps de bâti (R+1 et R+2) placés perpendiculairement au premier. Les gabarits sont calés sur ceux du lycée construit selon les critères modernistes de l’époque. L’architecte n’a eu aucune tentation d’importer une géométrie qui ferait rupture, la politesse vis-à-vis du lieu relevant de l’évidence. Cette inscription raisonnée optimise l’entrée de lumière et l’ensoleillement, jusqu’au rez-de-chaussée de l’aile des mineurs, placée au nord. Elle ménage aussi des failles entre ces volumes. La première est comblée par une galerie qui met en relation les deux halls d’entrée et le foyer pour majeurs. Cette séquence toute en transparence ouvre d’un côté sur le parvis d’accueil, monumentalisé par un grand porte-à-faux, de l’autre sur l’intimité d’un patio et sa vue dégagée sur le parc. La deuxième brèche est un jardin qui se glisse entre les deux bâtiments réservés aux majeurs, et en intériorise l’organisation avec les passerelles de liaison à chaque niveau.

Ces articulations et ces seuils, qui s’emboîtent dans l’échelle plus grande du parc, perpétuent cette liberté de mouvement observée au sein du lycée. Dans cette composition qui relève d’un certain classicisme, s’attache à la lumière, aux vues et à la lisibilité structurelle, ils participent de la discrète mise en scène de l’équipement dans le paysage. L’ostentation n’est décidément pas le crédo de Pascale Guédot.



Maîtres d'ouvrages : Région ÃŽle-de-France ; mandataire : ÃŽle-de-France Construction durable
Maîtres d'oeuvres : Pascale Guédot, architecte (études, Luca Antognoli et Mathilde Parois ; chantier, Virginie Ploquin) ; BET structure, Batiserf ; BET fluides, Choulet ; économiste, BMF ; paysagiste, Atelier Foïs ; acousticien, Peutz & Associés ; HQE, Eléments Ingénieries ; éclairagiste, Les Ateliers de l’Éclairage ; BET VRD, EXE.tp
Entreprises : gros Å“uvre, Construction Moderne IDF ; façades, Lorillard ; CVC, Electrofluid; Ã©lectricité, Cegelec
Surface SHON : 3 446 m2
Cout : 7 105 000 euros HT 
Date de livraison : juillet 2020 

Aperçu de la collection d'ouvertures sur le parc<br/> Crédit photo : ABBADIE  Hervé Vue depuis le patio sur l'aile des internes majeurs et ses passerelles de liaison qui cadrent le parc<br/> Crédit photo : ABBADIE  Hervé Fonctionnant de manière indépendante, les bâtiments dédiés aux élèves majeurs et mineurs peuvent être reliés par les espaces communs à rez-de-chaussée et une passerelle vitrée dans les étages supérieurs<br/> Crédit photo : ABBADIE  Hervé L'une des chambres pour les élèves mineurs. Ses grandes baies menuisées ouvrent sur le paysage remodelé.<br/> Crédit photo : ABBADIE  Hervé Plan<br/> Crédit photo : Rault    Lionel coupe<br/> Crédit photo : Rault    Lionel

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