Nouvel R - Vue depuis la Seine, Ivry |
Que penser du
concours Bruneseau, dont les quatre propositions en concurrence sont présentées
dans le cadre de l’exposition Seine Rive Gauche au Pavillon de l’Arsenal ? |
Le secteur Bruneseau est l’une des dernières zones libres de
la ZAC Seine Rive Gauche. Situé à la limite de Paris, il est coupé par le
boulevard périphérique qui a été réaménagé par Yves Lion et Marc Mimram pour
faciliter sa future intégration à la ville : le remblai qui supportait les
voies a été remplacé par des ponts sous lesquels un nouvel axe est venu se
glisser, pour permettre à l’université Paris Diderot d’être directement
connectée à Ivry-sur-Seine (Valde-Marne), tandis que les bretelles d’accès ont
été resserrées pour occuper le moins d’espace possible. Ces opérations
préalables ont été exécutées pour servir de base au développement de projets
urbains capables d’assurer une continuité organique entre la capitale et sa
proche banlieue. Suturer, effacer, pourquoi pas? Mais on pourrait se demander
pourquoi, quelques mètres plus loin, les tours de Nouvel, les faisceaux de
voies ferrées et les silos réhabilités jouent impunément la carte de la poésie
de l’infrastructure. Et encore plus loin, porte des Lilas, un autre tronçon du
périphérique est recouvert cette fois par la ville. Peu de cohérence dans le
traitement de cet ouvrage d’art emblématique de toute une époque, à l’image du
réaménagement des voies du chemin de fer de petite ceinture, envisagé au cas
par cas…
INFRAVISIBLE
La vision d’une ville
unitaire, comme pouvait la rêver le préfet Haussmann à la fin du XIXe siècle,
semble bien dépassée sur un site où l’on a préféré, dans les années 1980, se
lancer dans l’hasardeuse couverture des voies ferrées plutôt que dans le déplacement
et l’articulation de la gare d’Austerlitz au boulevard annulaire. Une décision
qui peut apparaître aujourd’hui comme l’acte originel de notre nouvelle ère.
Sans jamais prétendre à abolir le hasard, la plupart des grands projets urbains
se déterminent maintenant comme autant de coups de dés lancés dans le vide.
Reprenant les nouvelles procédures d’accès aux marchés publics instaurées par
les Réinventer Paris, les quatre équipes en compétition ont d’abord été
constituées par des banques et des promoteurs immobiliers. Ces derniers,
mandataires, ont contacté des architectes et des paysagistes pour être
plusieurs fois entendus par la SEMAPA et par la ville au fil de l’évolution des
projets. Pas de budget ni de programme : il était simplement demandé aux
équipes d’apporter les fonds nécessaires au financement de leurs aménagements
et de proposer des lieux d’hébergement, des équipements annexes et des locaux
d’activités avec les opérateurs capables de les gérer comme avec les
entreprises susceptibles de s’y installer dès la fin des travaux. Comme si les
édiles cherchaient désormais, en s’impliquant le moins possible, à réceptionner
une ville en fonctionnement, à l’image des joueurs de Sim City. Chaque équipe
devait aussi s’entourer de spécialistes pour fournir des analyses quasiment
médicales prouvant que leurs propositions étaient écologiquement correctes :
bilan carbone, isolation thermique, absorption de l’eau, etc. Une demande
infravisible bizarrement pondérée par des castings très dissonants. Chaque équipe
ayant choisi d’exhiber une star étrangère caractérisée par une production plus
proche du design que de l’architecture urbaine. Notamment les Britanniques
Thomas Heatherwick et David Adjaye, habitués à livrer des objets sans doute
intéressants mais totalement autistiques, tout comme le Chinois Yansong Ma et,
dans une moindre mesure, le Danois Bjarke Ingels.
CHIRURGIE ESTHÉTIQUE
Nouvel R [Lauréat]
Les Nouveaux Constructeurs / AG Real Estate France / Icade /
Nexity / Frey – Hardel Le Bihan Architectes / Youssef Tohme Architects
& Associates / David Adjaye Associates – Buzzo & Spinelli Architecture
– Bassinet Turquin Pays
Sûrement le projet qui a le mieux su faire disparaître le
caractère infrastructurel de l’autoroute urbaine pour l’intégrer à la ville en la
transformant en simple avenue parisienne. Il était d’ailleurs de - mandé aux
équipes en compétition de prévoir des entrées au niveau de cette voie afin de
permettre son ouverture aux piétons dans un futur proche. La tour de Hardel Le
Bihan et Youssef Tohme se dresse ainsi comme une simple extrusion de sa
parcelle et renvoie au très urbain Flatiron building de Daniel Burnham à New
York. Mais elle s’étage au Nord en gradins pour éviter toute confrontation avec
les hauts objets massifs et sculpturaux de Jean Nouvel. David Adjaye trouve
naturellement sa place sur la berge de la Seine, où il s’immisce habilement
dans la cité Kagan pour tricoter une savante texture dont il a le secret.
Tandis que les autres parcelles, même les plus ingrates, frêles prisonnières
des bretelles d’accès et des voies express, sont systématiquement loties. Comme
si le désir de suturer et d’effacer comme autant de vilaines cicatrices les
vides interstitiels oubliés par l’infrastructure était ici poussé à son comble.
Mais la proposition apparaît vite assez vaine, comme une accumulation
d’interventions de chirurgie esthétique tentant de faire entrer de force un
corps puissant et viril dans les canons d’une beauté plus féminine.
RETOUR VERS LE FUTUR
IP Factory -
[Finaliste]
Unibail-Rodamco-Westfield / Kaufman & Broad / Sogeprom /
L e Grand Réservoir – Heatherwick Studio et Arte Charpentier / Brénac
& Gonzalez et HEMA Architectes / DVV D / Lina Ghotmeh Architecture /
Atelier d’Architecture Emmanuel Nebout – Base
Très proche de la précédente par sa stratégie urbaine, cette
proposition s’en distingue cependant par sa silhouette. Les deux tours
polygonales seventies de Thomas Heatherwick renvoient involontairement à celles
du pont de Sèvres et semblent déjà réclamer la nouvelle enveloppe métallique
plus seyante dessinée par Dominique Perrault. Une plongée dans le passé récent
qu’accompagne intelligemment l’audacieux porte-à -faux de DVVD. Ailleurs, les
interventions de Lina Ghotmeh dans les interstices routiers et celle de Brénac
et Gonzalez face à la Seine restent dans l’air du temps et apportent une
sédimentation temporelle bienvenue pour renforcer, à travers le collage cher Ã
Colin Rowe, « l’effet ville » que les deux équipes finalistes ont cherché
fébrilement à promouvoir.
PAYSAGE D’INFRASTRUCTURES
Nouvel Air
Bouygues Immobilier / Novaxia – LAN / BIG / NP2F – Topotek 1
Plastiquement le projet le plus percutant, mais éliminé
rapidement par le jury, sans doute parce qu’il ne jouait pas le jeu de la
continuité urbaine et de la ville clé en main, pour lui préférer la poésie plus
âpre et plus contemporaine du paysage d’infrastructures. Refusant de se coller
au périphérique, Nouvel Air a préféré le scander de hauts blocs totémiques
trouvant leur justification en eux-mêmes. La tour de Bjarke Ingels serpente
ainsi vers le ciel pour tutoyer impoliment celles de Jean Nouvel. Tandis que
LAN vient recouvrir de manière blasphématoire une partie de la cité
Michel-Kagan pour pouvoir projeter une construction conséquente en relation Ã
sa position sur les berges de Seine. Cette architecture babylonienne rappelle
les centrales électriques londoniennes qui ponctuent le cours de la Tamise.
Sans doute la proposition la plus enthousiasmante de cette triste consultation.
SÉDIMENTATION
VERTICALE
Ville Augmentée
BNP Paribas / Vinci
Immobilier / Emerige / Compagnie de Phalsbourg – 2Portzamparc / XTU Architects
/ MAD Architects / Gianni Ranaulo Design / CALQ / Carlo Ratti Associati –
Florence Mercier Pays
Refusant les greffes lamelles de tissu urbain entre les
voies surélevées des rampes d’accès au périphérique, pouvant être sujettes de
cruels rejets de la part du puissant organisme infrastructurel, le niveau du
sol est laissé libre pour être épisodiquement occupé par des équipements
nomades. La continuité, la sédimentation, le collage, la ville sont projetés
sur un plan vertical. La tour d’Elizabeth et Christian de Portzamparc
s’apparente ainsi à une accumulation de blocs séparés par des jardins
suspendus, un pro - cédé repris plus bas par XTU et MAD en bordure de Seine.
Cette proposition est à la fois radicale et pertinente, mais elle ne parvient
pas à s’incarner dans une image prégnante comme avaient su le faire
précédemment les tours favelas, leur très poétique proposition pour la
consultation B3A remportée par Jean Nouvel. Ici, le principe donne lieu à une
surenchère formelle un peu épuisante.
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