Sabine Delcour |
Voilà maintenant dix ans que Sabine Delcour sonde la notion de territoire à travers ses photos, mêlant l'image au texte. Ses paysages de Seine-Saint-Denis ou du Japon, aujourd'hui exposés à Angers, et ses portraits de bâtiments culturels réalisés à la chambre donnent l'occasion de découvrir un travail personnel, rare et pertinent.
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d'A : Pourquoi avoir choisi la photographie ?
Sabine Delcour : La photo est un moyen extraordinaire pour parler du réel. Tout comme elle permet de s'en dégager pour se projeter dans l'imaginaire. Mais je ne m'en tiens pas à un travail strictement photographique. Je fais souvent intervenir la mémoire et l'oralité à travers des entretiens réalisés auprès des habitants des territoires que je photographie.
d'A : Vos photographies de bâtiments culturels sont caractérisées par un style particulier.
S.D. : Ces clichés m'ont été commandés par l'EMOC (Établissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels). Mais ce style est récurrent dans mon travail sur le paysage. En général, je photographie un bâtiment comme je le ferais d'un objet, et je me sers de l'esthétique pour l'extraire de son environnement. Tout a commencé avec ma série sur le département de Seine-Saint-Denis. J'avais compris qu'il me fallait l'appréhender de manière particulière, pour en donner une autre image. Alors je me suis plongée dans de vieux guides touristiques. Comme si je préparais un voyage à l'étranger. J'ai choisi quelques textes pour les mettre en regard avec mes photos. Non pas pour illustrer le paysage mais pour en faire une double proposition, réalisée à la chambre. Il est pour moi important de m'ancrer physiquement dans les territoires que je photographie. Je travaille donc au sol. D'où cette impression qu'il entre littéralement dans l'image. Le refus du trépied me pousse aussi à utiliser des éléments de l'espace. Enfin, je tiens à ce qu'une infime partie de ce paysage soit flottante, sur le fil de l'horizon.
d'A : Appréhende-t-on un bâtiment culturel de la même manière que les autres ?
S.D. : Oui, même s'il y a certainement davantage de respect pour ces monuments chargés d'histoire. Du coup, ça prend forcément une autre ampleur. Ces bâtiments étant enserrés dans la ville, cela limite les possibilités de prendre du recul avec la chambre. J'ai donc dû trouver des points de vue qui me permettent d'accéder à la totalité du bâtiment. Pour photographier le Grand Palais, j'ai dû monter sur le toit du Petit Palais. C'est pour cette raison qu'il apparaît sous forme de triptyque.
d'A : Parlez-nous de Autour de nous où sont les murs.
S.D. : J'ai été accueillie en résidence par la préfecture d'Ibaraki, à 40 km de Tokyo. C'est aujourd'hui encore un territoire agricole, avec de petits terrains en activité. Comme les Tokyoïtes s'y expatrient pour bénéficier de meilleures conditions de vie et profiter de logements plus grands, Ibaraki se développe énormément. Mais il n'y a pas, au Japon, de rupture dans le paysage. Ni ce découpage propre à nos banlieues. Encore moins de connotation négative à y vivre. C'est même plutôt l'inverse. L'espace dans lequel j'ai été accueillie fourmillait de pavillons résidentiels en construction qui ressemblaient à n'importe quelles maisons du monde avec leurs revêtements en PVC. Par contre, tous étaient dotés d'une étonnante ossature composée d'un amoncellement de piliers en bois. Il y en avait tellement que je me demandais où ils allaient mettre les murs. J'ai donc choisi de travailler sur ce moment-là de la construction. Pour voir s'il existe un lien, symbolique bien sûr, entre les fondements de la vie intime et l'ossature de sa maison, entre la construction de soi et la construction de son habitat. Alors, j'ai composé un questionnaire anonyme – portant sur le mariage, la famille, le bonheur ou la maison de ses rêves – que j'ai soumis à différentes personnes. J'ai ensuite monté les réponses sans volonté narrative, mais avec un enchaînement. Et j'ai demandé à des Japonais de les lire dans leur langue et en français. Cette bande-son est diffusée dans une maison en carton que j'ai construite pour accompagner ces photos.
d'A : Quelle relation les Japonais entretiennent-ils avec leur habitat ?
S.D. : Leur rapport à l'espace est différent du nôtre. Même si ce n'est pas vraiment cela que j'ai cerné à travers mes photos et mes entretiens, j'ai néanmoins l'impression qu'il n'y a pas, chez eux, d'imaginaire lié à l'espace d'habitation. En France, la maison véhicule autre chose que sa simple structure. Elle arrive avec tout un vécu. Au Japon, le bâti n'a pas réellement de valeur. L'idée de transmission leur est d'ailleurs étrangère. Et ce sont les usages de la maison qui ont de l'importance. En tournant autour de cette idée des murs, j'ai surtout cherché à comprendre si les Japonais construisaient leur maison comme leur propre vie. Au Japon, le poids de la société est très fort, et celui du travail prédominant. On devine une grande solitude au sein des différents groupes qui composent la société nippone. Comme s'il y avait au sein même de ces groupes des murs aussi invisibles qu'infranchissables.
d'A : Avez-vous déjà travaillé avec des architectes ?
S.D. : Non, c'est quelque chose que je n'ai encore jamais fait. Mais ça m'intéresse énormément. Jusqu'à présent, j'ai travaillé sur des espaces habités et sur la manière dont les gens vivent cette architecture. Pas encore sur la manière dont ces architectures-là ont été conçues, ni pourquoi. C'est ce travail en amont que j'aimerais faire maintenant.
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