Architecte : Francisco Aires Mateus (lauréat) ; BET : BG Ingénieurs Conseils ; Acousticien : Inacoustics ; Économiste : R2M |
Après la récente construction de son école d’économie réalisée par l’agence Grafton, Pritzker 2020, sous les auspices de plusieurs prix Nobel, la ville de l’aéronautique poursuit sa montée en puissance avec ce concours pour les nouveaux locaux de son école de commerce fondée en 1903. |
Les nouveaux locaux de la Toulouse Business School viendront s’immiscer à proximité des anciens dans une zone construite à l’emporte-pièce au début des années 1980 sur l’emplacement des casernes Compans et Caffarelli. Une friche militaire délimitée au nord par le canal du Midi et, au sud, par le boulevard Lascrosses, une artère établie au XIXe siècle sur l’ancienne enceinte de la ville. Coupée en deux par un improbable jardin japonais, elle accueille, d’un côté, des immeubles de bureaux semés anarchiquement autour des vestiges d’une cour d’exercice ; de l’autre, des immeubles de logements plantés à proximité de deux équipements siamois : le palais des sports – récemment reconstruit pas Jean Guervilly – et le petit palais promis à la destruction. C’est précisément là – sur ce site bancal déjà retenu par la consultation « Dessine-moi Toulouse », une variante locale de « Réinventer Paris » – que s’édifieront les nouveaux locaux de l’école de commerce de la ville.
Former des prédateurs
Mais que sont donc ces écoles de commerce qui se multiplient et dont on parle tant ? Ce sont des lieux où l’on acquiert une manière différente de voir le monde, inconnue des études secondaires et des autres établissements d’enseignement supérieurs, fondés sur une culture humaniste, et qui ont d’ailleurs du mal à les reconnaître. Il s’agit de former des cadres et des dirigeants d’entreprises rompus aux techniques de management, ayant acquis des notions très poussées d’économie et possédant à fond les stratégies de marketing. Un savoir performant qui leur permettra d’animer des équipes, de traiter les big data pour savoir comment obtenir des produits au moindre coût et de connaître les attentes des consommateurs, quitte à les anticiper ou à les inventer. Des prédateurs qui s’envoleront à leur sortie de l’école pour conquérir le monde…
Mais ce sont aussi des institutions qui parviennent à recruter les meilleurs étudiants après des préparations très ardues. Une élite capable de se prendre en charge dès ses premières années d’études tout en recevant un enseignement très pragmatique, totalement en phase avec le monde néolibéral de l’entreprise où elle fera de nombreux stages, en France comme à l’étranger. Une population avide de se rencontrer, de se mélanger pour construire les réseaux essentiels au développement d’une carrière. Ainsi la TBS possède-t-elle des antennes à Barcelone, à Casablanca, à Londres et à Paris mais aussi de nombreuses conventions avec plus de 200 institutions du même type réparties à travers le monde. Elle cherche à offrir à ses 6 000 étudiants un environnement favorable aux associations provisoires comme aux montages de projets communs pour leur permettre de faire leurs premières armes bien avant leur diplôme et leur entrée dans la vie active.
Les deux projets que nous allons analyser – le troisième, conçu par Kardham et Clément Blanchet ne nous ayant pas été communiqué – répondent de manières très différentes aux questions posées par le contexte urbain comme par l’enseignement spécifique de ce type d’établissement. Ils affirment cependant tous les deux une certaine fragmentation autour d’un espace central de rencontre et de convivialité. Mais tandis que le premier opte pour une certaine compacité pour définir un lieu clairement délimité, le second s’étale comme s’il cherchait à s’immerger complètement dans la ville.
Dessine-moi un espace initiatique
Architecte : Francisco Aires Mateus (lauréat)
BET : BG Ingénieurs Conseils
Acousticien : Inacoustics
Économiste : R2M
Le projet de Francisco Aires Mateus se donne comme un mur habité qui se plie pour esquisser une organisation spirale autour d’un vide protégé. Ce mur se compose de blocs programmatiques autonomes – bureaux et salles de cours – qui se délitent pour creuser de larges déhiscences par où chemine la lumière. Deux pavillons complètement détachés, et reprenant la forme archétypale de la maison, permettent de mieux assurer les transitions avec le contexte. Ces éléments comme les blocs délités savent raccorder au nord les échelles très différentes des constructions existant sur le site : les immeubles de logements et le tissu plus ancien de maisons de ville assez basses qui bordait déjà les casernes. Tandis qu’au sud cette masse anguleuse, traversée de profondeurs insoupçonnées, sait se poser comme un objet face au cylindre vitré de Jean Guervilly, en réveillant de multiples registres d’oppositions : les aspérités contre le lisse, l’anguleux contre l’arrondi, le profond contre le transparent.
L’entrée se fait au nord et les failles se poursuivent pour créer des perspectives qui plongent et se redressent pour mettre en relation les grands espaces communs mutualisables : l’auditorium, la salle de gymnastique qui s’étend au sous-sol et, à l’étage, la bibliothèque, la cafétéria et les espaces de coworking. C’est à ce niveau que l’atrium prend toute son ampleur, il reçoit latéralement sa lumière des façades épaisses et zénithalement de ses quatre angles d’où elle se déverse, après un périple à travers les patios découpés dans les cinquième et sixième étages.
Ce projet reste hanté par l’inspiration mystique kahnienne telle qu’elle s’exprime dans la plupart de ses grands projets, que ce soit le capitole de Dacca, la bibliothèque d’Exeter ou l’église de Rochester : un centre vide, où la communauté se rassemble jalousement, protégé par des locaux d’activité périphériques en relation directe avec l’espace extérieur. Nous retrouvons ainsi dans l’atrium central la lumière qui tombe des angles de l’église de Rochester mais elle ne descend pas directement et doit se frayer un chemin à travers des espaces en cascade. Un projet à la fois ouvert et mystérieux, qui sait se connecter à la ville tout en préservant une certaine intimité pour mieux se constituer comme un espace initiatique et sacré.
Considère la ville comme une école
Architectes : 2Portzamparc
BET : SETEC
BET HQE : CPOS
Paysagiste : Woodstock Paysage
Architecte d’opération : Calvo Tran Van
Si l’essentiel de la proposition de Christian de Portzamparc s’organise, comme celle d’Aires Mateus, autour d’un vaste atrium, elle cherche cependant à absorber le palais des sports, pourtant d’une écriture toute différente. Pour mener à bien cet arraisonnement, le projet se décompose en sept plots. Les cinq premiers enserrent au nord le vide protégé tout en laissant la place à de multiples passages ouvrant cet espace sur la ville, comme s’il s’agissait d’une place couverte, entourée d’immeubles autonomes. Tandis que les deux derniers viennent assujettir la masse lisse et furtive de Jean Guervilly à la trame urbaine, une stratégie qui permet de retourner l’orientation naturelle de l’école pour l’aiguiller résolument au sud vers le boulevard Lascrosses, l’axe principal du quartier. Ainsi l’entrée principale suit-elle la courbe de l’équipement sportif pour pénétrer dans le vaste atrium.
Les formes légèrement pyramidales des plots leur confèrent des silhouettes expressionnistes qui rappellent les gratte-ciel imaginaires de La Métropole du futur de Hugh Ferris. Ces formes fuselées atténuent les ombres portées et témoignent d’une grande aménité apportée au voisinage, notamment aux maisons basses qui s’étendent à l’est. Les textures font aussi l’objet d’une grande attention. Ainsi la structure des plots en briques rouges s’habille-t-elle d’ailettes verticales en bois à sa base pour, dans ses parties hautes, se draper de claustras qui pourraient rappeler les cobogo en terre cuite utilisés par Lucio Costa dans ses immeubles de logements du parc Eduardo-Guinle à Rio de Janeiro.
Les plots peuvent recevoir des programmes spécifiques. Ainsi les plus indépendants sont-ils réservés aux espaces de coworking et aux incubateurs de start-up. Les autres, qui entourent le pôle de rencontre et d’échange traversé de passerelles, pourront aussi bien recevoir une programmation verticale favorisant leur autonomie qu’une programmation horizontale renforçant le rôle du vide central.
Ces formes sensuelles et inédites témoignent d’un plaisir inassouvi de concevoir de l’architecture, tout en rentrant dans une composition de part en part dominée par l’idée de ville rédemptrice, reprenant les principes de Candilis, Josic et Woods, qui, en concevant l’université libre de Berlin, voyaient dans la ville le modèle ultime de tout espace d’apprentissage.
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