Architecte : OMA Rédigé par David LECLERC Publié le 01/03/2018 |
Le projet de la Fondation Galeries Lafayette est la première œuvre construite par Rem Koolhaas à Paris, après de nombreuses occasions manquées ces trente dernières années. D’échelle modeste et à la présence discrète, ce projet n’en est pas moins important dans l’œuvre de l’architecte, comme l’atteste l’attention que Rem Koolhaas en personne a portée à sa réalisation. Il s’inscrit dans la continuité de la réflexion de OMA sur les espaces de l’art contemporain, depuis la Fondation Prada à Milan, livrée en 2015, qui associait déjà une rencontre entre un travail de préservation et une nouvelle architecture.
Depuis la loi de 1990 pour encourager le mécénat d’entreprise, des fondations d’entreprise dédiées à la culture, la création ou l’art contemporain se multiplient à Paris. Elles font souvent appel à des architectes de renom pour dessiner leur écrin et asseoir leur prestige : Nouvel pour Cartier, Gehry pour Louis-Vuitton, Piano pour Jérôme Seydoux-Pathé.
Production et anticipations
Le positionnement de la nouvelle Fondation d’entreprise Galeries Lafayette, créée en octobre 2013, devait donc être innovant pour trouver sa place sur la scène très dense de l’offre culturelle à Paris. Le lieu retenu est un immeuble rue du Plâtre, en plein cœur du Marais, à quelques pas du Centre Pompidou, qui appartenait à l’origine au BHV, propriété du groupe Galeries Lafayette depuis 1991. Le bâtiment de 2 200 m2 est caractéristique de l’architecture industrielle de la fin du XIXe siècle. Il est organisé en U autour d’une cour intérieure qui bénéficie aussi d’un second accès par un passage depuis la rue Saint-Croix-de-la-Bretonnerie. Les nombreuses affectations successives – entrepôt, lieu de réparation de chapeaux de paille, dispensaire, école – avaient considérablement altéré ses qualités d’origine au fil du temps.
En dépit de l’échelle relativement modeste du site, le projet curatorial est ambitieux : produire et exposer dans un même lieu des œuvres issues de l’art contemporain, du design et de la mode, mais aussi y accueillir toute une série d’événements. La fondation est donc dotée d’un atelier de 350 m2, invisible au public car installé dans son sous-sol, pour permettre la fabrication ou le prototypage des œuvres.
La nouvelle institution a voulu aussi procéder par « anticipation ». Dès sa création, et durant la phase d’étude du projet, elle invite l’agence belge Rotor pour aménager de manière temporaire l’immeuble de la rue du Plâtre, suivant leur principe aujourd’hui célèbre, de réemploi des matériaux et de requalification des espaces. Durant neuf mois, ce lieu a accueilli débats, performances, expositions, films, défilés de mode, pour le tester et le faire connaître à un public averti. Cette période d’expérimentation, à laquelle a participé Rem Koolhaas, s’est achevée avec le début du chantier en 2014.
Ballet mécanique
OMA envisage initialement de démolir l’immeuble, mais le projet sera refusé par les Architectes des Bâtiments de France. L’agence s’oriente alors vers une réhabilitation du bâti existant. Rem Koolhaas s’intéresse, depuis son projet pour le musée de l‘Ermitage à Saint-Pétersbourg (2003-2005), à la question de la préservation, qu’il perçoit comme un antidote aux dérives de l’architecture contemporaine toujours plus avide d’extravagance et d’originalité. Travailler sur le bâti existant suggère au contraire un retour à une certaine modestie et à un respect du déjà-là.
En complément de la réhabilitation soignée du bâtiment existant, OMA propose un dispositif technique assez spectaculaire pour permettre de moduler les espaces d’exposition qui entourent la cour sur trois côtés et sur cinq niveaux. Une « tour d’exposition », composée de quatre planchers mobiles montés sur crémaillères, est insérée dans l’emprise de la cour. L’intégration de la motorisation et des systèmes d’éclairage dans l’épaisseur des plateformes permet de les positionner, selon 49 configurations différentes, dans l’alignement des niveaux existants ou de les faire disparaître dans une réservation ménagée au rez-de-chaussée.
Renouant avec la thématique des espaces programmatiques « stables » et « instables » qui avait donné à la bibliothèque de Seattle sa forme si particulière, OMA propose à nouveau ici de provoquer cette « instabilité programmatique » pour fournir des potentiels, interroger les pratiques artistiques, et susciter une pluralité de modes d’appropriation de l’espace.
L’intelligence du projet est aussi perceptible à l’échelle urbaine. En rouvrant le passage condamné entre les deux rues, le public peut dorénavant traverser l’îlot en passant par le hall d’entrée de la fondation pour y découvrir cette tour d’acier et de verre enfouie au cœur du quartier historique du Marais.
Architecture performative
Ce désir de mobilité et de flexibilité s’inscrit dans la continuité des recherches de l’architecture moderne sur l’introduction de dispositifs mécaniques pour reconfigurer l’espace architectural. Le projet du Total Theater de Walter Gropius pour Erwin Piscator (1927) et celui de la Maison du Peuple de Clichy de Jean Prouvé (1938) en sont des illustres exemples. Rem Koolhaas parle du projet de la fondation comme un « théâtre pour l’art », « pour parvenir à échapper au destin fatal de la stagnation en architecture1 ». Ce n’est pas la première fois que OMA fait appel à des systèmes techniques sophistiqués pour donner une dimension « performative », et parfois une sensation presque magique, à certains de ses projets. On se souvient de la plateforme hydraulique, constituant une pièce mobile à part entière, au cœur de la villa Lemoine à Floirac (1998). Ou de la façade de la boutique Prada de Beverly Hills (2004), qui disparaît intégralement dans une fente ménagée au droit du trottoir quand le magasin ouvre le matin. Au Wyly Theater à Dallas (2009), les dispositifs permettant la reconfiguration complète de l’espace théâtrale s’inscrivent dans la continuité des recherches de Gropius.
Rem Koolhaas nous confiait récemment dans un entretien : « Parvenir à étonner par des moyens relativement discrets reste pour moi un grand plaisir ; et c’est sans doute aussi une manière de rendre service aux gens que de leur offrir ces moments magiques dans le monde2. » Il faudra toutefois un peu de recul et quelques installations pour juger si cette « machine curatoriale3 » pourra susciter des pratiques et produire des situations de projets innovants, ou si elle ne se révélera à l’usage qu’un gadget séduisant.
1. Extrait de « Performing architecture », entretien avec Rem Koolhaas de RoseLee Goldberg, dans Anticipations (2016).
2. « Le vide est plus important que le plein », entretien avec Rem Koolhaas réalisé par Françoise Fromonot et David Leclerc en décembre 2016 et publié dans Lectures Croisées : La bibliothèque Alexis-de-Tocqueville à Caen, Le Point du Jour, centre d’art/éditeur.
3. Expression de François Quintin, directeur délégué de Lafayette Anticipations, extraite de « Un laboratoire d’anticipations », dans Anticipations (2016).
[ Maître d’ouvrage : Citynove Asset Management, pour le compte de la SA des Galeries Lafayette
Maîtrise d’œuvre : OMA, Rem Koolhaas et Ellen van Loon
Architecte local : DATA Architectes
Maîtrise d’œuvre patrimoniale : Thierry Glachant
Consultants ingénierie : Eckersley O’Callaghan, dUCKS scéno, Bureau Michel Forgue, BET Louis Choulet, Lamoureux Acoustique, MPK Conseils Construction
Programme : rénovation d’un immeuble de la fin du XIXe siècle et construction d’une tour d’exposition pour accueillir la Fondation d’entreprise Galeries Lafayette
Surface : 2 200 m2, dont 840 m2 de surface d’exposition
Calendrier : projet, mars 2012-mars 2014 ; chantier, novembre 2014-novembre 2017 ; ouverture au public le 10 mars 2018
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