Philippe de Gobert |
À 60 ans, le Belge Philippe de Gobert mène deux vies en parallèle. Photographe d’architecture et d’objets d’art, il se passionne aussi pour les ateliers d’artistes. Ce qui lui inspire de superbes images en noir et blanc dont l’harmonie apparente est vite balayée par un étrange sentiment de malaise. |
Son truc à lui, c’est l’atelier ! Voilà maintenant près de vingt-cinq ans que Philippe de Gobert imagine des ateliers d’artistes dont il construit les maquettes avant de les photographier dans de grands formats en noir et blanc. Balthus, Brancusi, Pollock, Mondrian ou le peintre hollandais du XVIIe siècle Saenredam, en ont fait les frais. Jusqu’à ce qu’il délaisse l’antre des plus grands noms de l’histoire de l’art pour se concentrer sur l’atelier idéal. Et d’imaginer, agencer, repenser moult espaces incarnant à ses yeux l’essence même du lieu de création. En témoigne sa dernière exposition présentée à l’hôtel des Arts de Toulon le mois dernier. Riche d’une cinquantaine de clichés réalisés au cours des dix dernières années, elle révélait un travail étonnant. Une oeuvre d’art totale, mêlant photographie, architecture, sculpture, peinture et cinéma. À y regarder de plus près, Philippe de Gobert n’est finalement jamais sorti de l’atelier. Il y a eu tout d’abord celui « Je suis né dans un univers où tout tournait autour de la peinture. Avant- guerre, le travail de mon père était très académique. Il a ensuite exercé dans la publicité avant de revenir à une peinture hyperréaliste. » Pour gagner sa vie, son père réalise des structures en bois destinées à des stands de foire ou de salon. Structures réutilisées ensuite chez lui comme éléments de cuisine ou de rangements.
De Gobert fils n’a pas suivi les traces de son père. Il ne s’en est pas éloigné non plus. Ses études secondaires terminées, il opte pour une école technique afin d’y apprendre la photographie. « Il fallait que je trouve un métier. La photographie m’est apparue non seulement comme ce qu’il y avait de moins astreignant, mais surtout comme ce qui se rapprochait le plus de mes préoccupations. » Son diplôme en poche, il rejoint l’univers de la publicité et travaille dix ans durant comme assistant dans un studio. « Je me suis rendu compte que c’était un cul-de-sac dont on a vite fait le tour », avoue-t-il. Alors, à la fin des années 1970, il saute le pas et décide de s’installer comme photographe indépendant spécialisé dans la photographie d’objets d’art. Il frappe aussi à la porte des architectes et travaille notamment pour Pierre Hebbelincks, à qui l’on doit le musée du Grand- Hornu (voir son Parcours dans d’A de novembre dernier). « J’ai eu beaucoup de chance, tous les architectes avec lesquels j’ai travaillé m’ont laissé carte blanche. Ça s’est toujours très bien passé parce que je n’ai jamais cherché à me réaliser à travers ces photos, faisant systématiquement passer ma vision des choses au second plan ». Parallèlement à ses « travaux alimentaires » dans la pub, pour les galeries ou les cabinets d’architecture, le photographe a mené un travail personnel. La sculpture a d’abord occupé toute son attention, avant qu’il ne s’intéresse aux ateliers d’artistes. « Ce thème me fascine. On a toujours l’impression, dans l’atelier d’un artiste, qu’il se passe quelque chose de très particulier, porteur de création et d’avenir », explique de Gobert. « Plutôt que de visiter les vrais ateliers des peintres, je m’inspire de vieilles photos d’archives pour concevoir mes clichés. J’évite ainsi de me noyer dans une masse d’informations et ça me laisse beaucoup plus libre d’imaginer ce que je veux. » L’artiste retrouve, avec ces maquettes d’une hauteur de 30 centimètres, entièrement démontables, un vrai plaisir de constructeur. Autodidacte, il se fie à son instinct, se passionne pour le travail de Frank Gehry dont il dit « aimer la déconstruction des formes ». Sans oublier les modernistes. « Le côté épuré de leurs constructions me touche. Ils se concentrent sur l’essentiel : le volume et la lumière. » Lui, commence toujours par faire quelques croquis. « Je ne fais jamais de plans et ne me soucie par particulièrement de l’échelle. C’est avant tout un travail manuel et empirique pour lequel j’utilise essentiellement du bois. » Peinture, planchers… Tout est conçu comme le serait un véritable espace, ce qui accentue l’impression de vécu de la construction. À l’origine, les maquettes se suffisaient à elles-mêmes. La dimension photographique de l’ œuvre n’a été introduite que bien après, lorsque de Gobert s’est aperçu que le public se focalisait un peu trop sur ses prouesses techniques. « La photo permet d’exprimer l’esprit des lieux », précise-t-il. Tout se joue alors au moment de la prise de vue – réalisée à la chambre –, qui est aussi celui du travail sur la lumière. « J’utilise pour l’éclairage des techniques similaires à celles du cinéma. »
Il faut prendre le temps de regarder ses clichés. À première vue, il émane de chacun des espaces, aux lignes rigoureuses et épurées, dont la lumière nuancée accentue l’élégance racée, un sentiment d’harmonie et de sérénité. Mais très vite, le doute s’installe. Car l’oeil bute sur des portes bien trop hautes, des fenêtres disproportionnées, des perspectives et des échelles fantaisistes, qui se télescopent. Jusqu’à créer un sentiment d’étrangeté que revendique l’artiste. C’est pourtant ce sentiment qui retranscrit l’ambiance et l’esprit de l’atelier de l’ artiste, rendus palpables par la photographie.
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