Olivier AMSELLEM |
Une exposition à la villa Noailles a permis de découvrir
l'architecture moderne toulonnaise des années soixante. Ces œuvres réalisées
par Pascalet, Henry, Luyton, Lefèvre ou par des auteurs aujourd'hui inconnus,
ont été immortalisées par le photographe Olivier Amsellem comme s'il s'agissait
de sculptures. |
d'a : Vous êtes passionné d'architecture.
Olivier Amsellem : Oui. Mais je m'intéresse aussi aux arts déco du xxe siècle, à la peinture, à la sculpture et à la poésie. À l'instar de Le Corbusier, je pense que l'architecture est l'art absolu. J'assimile d'ailleurs cette discipline à la sculpture. Le talent de Le Corbusier, de Philip Johnson ou d'Oscar Niemeyer me fascine. Aujourd'hui, j'aime beaucoup le travail de Rudi Ricciotti. Il a du caractère, quelque chose à dire et il l'exprime remarquablement. C'est un avant-gardiste, à l'image de Mallet-Stevens que je place au-dessus de tout.
d'a : D'où vous est venu ce goût pour l'architecture ?
O.A. : Le fait d'être né à Marseille, non loin de la Cité radieuse, d'avoir été confronté aux bâtiments de Fernand Pouillon dès mon plus jeune âge, ont certainement beaucoup joué. L'Éducation nationale n'a malheureusement pas su m'éveiller à quoi que ce soit. J'ai tout appris par moi-même, à travers les livres ou des recherches personnelles, la découverte d'une période ou d'une discipline me poussant vers une autre.
d'a : Vous venez de réaliser un travail autour de l'architecture des années soixante dans les environs de Toulon.
O.A. : La villa Noailles est à l'origine de ce projet qui a donné naissance à une exposition présentée dans ce lieu l'automne dernier. Nous avions commencé par établir la liste des architectes ayant travaillé dans la région. La plupart avaient débuté sur les chantiers de Mallet-Stevens avant d'ouvrir leur bureau sur place, tels Émile et Lucien David, Paul Luyton, Alfred Henry. Tous ont travaillé dans la continuité des modernistes, jusqu'à devenir les avant-gardistes de l'après-guerre. Une fois cette première liste établie, nous avons pisté leurs réalisations en consultant les cadastres, les plans. Une véritable enquête, d'autant moins facile à mener que seuls quatre ou cinq bâtiments figurent à l'inventaire de la Drac. Au final, nous en avons photographié une cinquantaine, mais il y en a beaucoup plus. Nos recherches nous ont également permis de retrouver certains architectes ou leurs enfants.
d'a : Lequel vous a le plus marqué ?
O.A. : Ma plus belle rencontre s'est faite avec André Lefèvre. Il a notamment réalisé un travail extraordinaire sur le domaine des Fourches, avec un lot de 400 habitations. Cinquante ans avant tout le monde, Lefèvre a pris en compte la topographie mais surtout l'environnement des lieux, qu'il tenait à préserver. Ses maisons s'intègrent parfaitement à la végétation. Il a également beaucoup utilisé les matériaux de la région.
d'a : Quel parti pris avez-vous adopté pour photographier tout cela ?
O.A. : Je suis allé vers la simplicité, de manière à faciliter la lecture de l'image. J'aime souligner la poésie d'une construction, ses lignes, sa force. Contrairement aux photographes spécialisés en architecture, les détails ne m'intéressent pas vraiment. À l'image des peintres, j'aime prendre plus ou moins de recul, aller droit au but tout en tenant compte de l'histoire d'un bâtiment, de son environnement, de ce qu'il donne de lui-même, de la manière dont il respire. J'ai tenu, ici, à mettre en avant la volonté de l'architecte en montrant qu'on pouvait faire de belles choses tout en préservant l'environnement. Au final, j'ai photographié ces bâtiments comme on le ferait d'une sculpture ou d'une installation. Car ces architectes sont à mes yeux des artistes. Regardez la voile en béton réalisée par Johnson. Elle est d'une incroyable légèreté.
d'a : Comment avez-vous travaillé ?
O.A. : La plupart des photos ont été faites au printemps, à la chambre. L'architecture est un art qui évolue en fonction de la lumière, du temps, de la couleur. Je suis donc retourné plusieurs fois sur les différents lieux avant la prise de vue. Les maisons des Quatre-Saisons d'André Lefèvre changent selon la période de l'année. À l'automne, tout devient rouge.
d'a : Beaucoup de ces bâtiments semblent avoir été laissés à l'abandon.
O.A. : Oui, c'est le cas. Le thème de l'abandon revient régulièrement dans mon travail. Mais après tout, chaque habitation est vouée à disparaître. Ne construit-on pas sur les ruines du passé ? Mallet-Stevens a construit la villa Noailles sur les ruines du château Saint-Bernard. Aujourd'hui, Berlin est, à mes yeux, le plus bel exemple de reconstruction réussie.
d'a : Que représente la photo d'architecture par rapport au reste de votre travail ?
O.A. : Je ne me suis pas spécialisé dans un type de photographie en particulier. J'aime beaucoup la photo de mode, par exemple. Les images que je réalise pour le magazine Purple véhiculent également une réflexion sur l'environnement. Si je fais défiler des filles devant un bâtiment, ce bâtiment-là n'aura pas été choisi au hasard. Pour moi, la photographie tient presque de l'engagement politique. J'aime aussi la photo de pub parce qu'elle nécessite un travail collectif, imposant des contraintes. J'ai fait une publicité pour Nike qui m'a permis de travailler sur l'architecture moderniste de Rome. J'essaie, à travers mes photos, de sublimer ce qui peut être une forme de banalité pour les uns, de laideur pour les autres. À mes yeux, la Cité radieuse ressemble à un bateau surélevé. J'ai vécu des moments intenses de poésie en me baladant dans ses couloirs ou en entrant chez les gens. Aimer l'endroit où l'on vit : n'est-ce pas une question d'actualité ?
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