A utour des modes d’habitats collectifs, des générations d’édiles, d’architectes, d’urbanistes, de sociologues ou d’anthropologues ont travaillé à mettre en évidence les relations infiniment complexes qui permettent d’élaborer des lieux partageables par tous, en même temps que des espaces offrant à chacun une nécessaire intimité domestique. Cette urbanité, qui caractérise nos villes traditionnelles, a sans doute été l’un des plus importants ferments de la démocratie et du développement économique de nos sociétés. Alors que se cristallisent aujourd’hui les angoisses liées à la déliaison sociale et que l’on semble parvenir à un consensus sur les effets dévastateurs de l’étalement urbain, quelle peut être la raison qui pousse les pouvoirs publics à promouvoir, avec la maison à 100 000 euros, le pavillon individuel ? Pourquoi ne peut-on pas encourager tout autant l’accession à la propriété dans l’habitat collectif, ce qui en outre serait davantage en phase avec les ambitions de développement durable ? Serions-nous arrivés à un tel point de déliquescence sociale qu’il ne soit plus possible d’inventer un habitat collectif comme chaque moment de notre histoire, avec ses échecs et ses réussites, a su en proposer ? Que certains s’imaginent retrouver l’urbanité d’un «autrefois» idéalisé en plaquant un vernis néohaussmannien ou «villageois» (sic) sur des caisses empilées traduit un désarroi et une perte de repère inquiétants. C’est pourquoi l’opération expérimentale de logements semi-collectifs de la Cité manifeste à Mulhouse, malgré tous ses défauts, apparaît comme un moment de réflexion autrement plus intéressant. Notre ministre, Mr Borloo, bien intentionné mais sans doute mal renseigné, a parlé à son sujet d’un «événement aussi important que la charte d’Athènes». Gageons que son enthousiasme lui fasse abandonner ses «borlooettes» afin qu’il mette toute sa précieuse énergie à lancer d’autres opérations de ce type. Emmanuel Caille