Portrait de Michel Denancé |
La photographie d'architecture aurait-elle une âme ? Cachant sa sensibilité derrière le statut de technicien accolé à celui de photographe d'architecture, Michel Denancé cherche-t-il, comme il le déclare, à rendre lisible l'architecture contemporaine ou à décrire l'intensité de notre relation à l'architecture ? |
Michel Denancé est un architecte défroqué qui a gardé la foi. Alors qu'il étudiait à l'école d'architecture de Rennes, l'engagement dans ce genre, jugé technique, qu'est la photographie d'architecture s'est imposé à lui peu à peu, comme un moyen de demeurer dans le monde de l'architecture sans devenir maître d'œuvre, « préférant cultiver sa capacité à se poser des questions sans forcément avoir à apporter les réponses ». C'est en réalisant des photographies de maquettes qu'il a eu le déclic. Il est ensuite passé du projet à sa réalisation, devenant photographe pour des architectes en tous genres. Une superstar du milieu, Renzo Piano, qu'il ne nomme que contraint et forcé : « J'ai souvent été catalogué comme le photographe attitré de Piano, ce qui a éloigné les autres architectes de moi. » Et d'autres plus méconnus mais néanmoins méritants, qu'il préfère ne pas citer pour « ne pas faire de favoritisme ». À moins que ce ne soit par discrétion, l'un des traits principaux de ce photographe qui se met entièrement au service des bâtiments qu'il photographie. « Contrairement à ce que l'on pense, la photographie d'architecture ne sert pas à faire une belle image. Elle doit d'abord rendre un bâtiment intelligible, avoir une vertu pédagogique. Les images d'un bâtiment doivent aussi laisser supposer que celui-ci dégage une personnalité, que sa présence, discrète ou affirmée, ne laisse pas indifférent. » Michel Denancé travaille avec (et pas seulement pour) des architectes qui ne le sollicitent pas dans le but de produire de pures image de communication. « Par exemple, lorsque je travaille pour l'agence Piano, je connais généralement assez bien les projets parce que j'en ai auparavant photographié les maquettes. C'est toujours très étonnant de découvrir à l'échelle 1 ce qu'on avait d'abord découvert au 50e ou au 20e. Je visite généralement le bâtiment avec le chef de projet et je me débrouille, en gardant à l'esprit ce que m'avait dit Renzo Piano au début de ma collaboration : "Essaie d'avoir des gens sur les photos et rappelle-toi qu'il nous faut toutes les vues frontales possibles, après tu t'amuses, tu fais ce que tu veux..." Cette exigence poursuit le mode de communication de l'agence qui privilégie plans, coupes et élévations et se méfie des perspectives. » La photographie d'architecture possède ses conventions, auxquelles Michel Denancé se plie sans rechigner : un ciel bleu « qui n'est qu'une résultante. On recherche en fait les ombres portées qui vont rendre lisible le bâtiment ». Des images redressées, une frontalité proche de l'élévation. « Le photographe d'architecture est quelqu'un qui tente de trouver la bonne combinaison cadre/lumière, il ne dispose de rien d'autre, il exploite au mieux une réalité offerte, il n'a aucune possibilité de la transformer. » On pourrait dire que la photographie d'architecture est comme une traque contemplative. Sa formation d'architecte lui sert à approcher son gibier : « La photo animalière se rapproche de la photographie d'architecture. Il faut connaître son sujet, et même si le bâtiment est statique, il y a une notion d'affût. Il faut rôder jusqu'à ce que le bâtiment soit visible globalement. Je suis allé récemment photographier la tour du New York Times, j'ai dû tourner longtemps avant d'avoir un point de vue qui permette d'appréhender un bâtiment aussi haut. Photographier un gratte-ciel était une expérience nouvelle. » Il ne faut pas attendre d'un chasseur qu'il dévoile ses secrets : hormis ce souvenir, on n'en saura guère plus. Sa relation au bâtiment semble être trop liée à une sensibilité personnelle pour l'exposer autrement que par l'image. « Je ne suis pas un photographe plasticien, je ne me sers pas des bâtiments pour construire une œuvre par-dessus. » Quand il veut s'exprimer, il va hors du cadre de la commande chercher les aspects absents de sa pratique professionnelle. Dans la série des Petites agonies urbaines, il s'est intéressé à un stade d'occupation du bâtiment qu'on ne lui demande jamais de photographier, celui de l'abandon. « En regardant les façades murées que j'avais jusqu'alors ignorées, je me suis comporté comme un photographe de mode qui souhaiterait oublier un moment les mannequins magnifiques pour préférer rôder dans les maisons de retraite ou les centres de long séjour. » L'architecte Michel Denancé fait-il confiance à l'image ? « La photographie accentue tous les traits et amplifie tout. C'est une interprétation. Une image par temps gris paraîtra beaucoup plus déprimante que la réalité dont elle est tirée. » D'où un dernier conseil inattendu de la part du photographe, mais moins surprenant dans la bouche de l'architecte : « Voyagez, allez voir les bâtiments et ne vous contentez pas des images. Croire qu'on connaît un lieu parce qu'on en a mémorisé des images, c'est comme croire connaître Rothko quand on n'a fait que regarder une carte postale. » À votre tour d'éprouver les émotions intenses de l'expérience architecturale...
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