Etat actuel de l’université |
Lyon 2, projet
construit à la hâte dans l’après-68, voulait calmer les esprits en permettant Ã
l’utopie d’une université pour tous de s’incarner. Son campus ouvert et
transparent a été conçu en collaboration avec les usagers pour jeter les bases
d’une société moins inégalitaire, où le savoir serait mieux partagé… « Que
reste-t-il de tout cela? », chantait Charles Trenet pour nos amours de jeunesse
: la réalité est aussi amère que la chanson… |
Dans l’immédiat après-68, les étudiants de Lyon réclament un
nouveau type de dispositif pédagogique fondé sur la concertation. En face
d’eux, Edgar Faure, alors ministre de l’Éducation nationale, cherche à faire
avancer les choses afin de ne pas s’enliser dans un affrontement stérile. Leur
vœu sera ainsi exaucé sans tarder. Et ce ne sera pas un prix de Rome mais un
jeune architecte qui vient de terminer ses études qui leur sera envoyé pour
construire Lyon 2 avec eux, de 1969 à 1973. Après de multiples hésitations,
cette université qui se voulait urbaine sera exilée au sud-est de la ville, Ã
proximité de l’hippodrome et de l’A43, qui dessert les stations alpines puis
l’Italie à travers le tunnel de Fréjus. Le chantier démarre avant même qu’un
programme ne soit clairement éta bli, et des nappes tridimensionnelles en
treillis métalliques portées par une trame de poteaux – le système Pétroff –
s’élèvent sur cet espace résiduel. Cette structure sera ensuite habillée par
Jean Prouvé d’élégants panneaux de façades fabriqués dans son atelier et
rappelant ceux de l’Université libre de Berlin réalisé par Candilis, Josic et
Woods à la même époque. Le projet a prudemment été exilé de la ville, qu’à cela
ne tienne, il la retrouvera en lui-même… Dès la première phase, achevée en
1971, une rue intérieure traverse le bâtiment de part en part, elle se
poursuivra ensuite dans les constructions ultérieures.
SE RÉARTICULER À LA VILLE
On ne dira pas qu’il s’agit d’un chef-d’œuvre, mais c’est un
des rares exemples d’une architecture traduisant les idéaux de 68. Elle peut
être considérée comme une traduction spatiale des nouvelles modalités d’accès
au savoir préconisées à cette époque :
refus de toutes formes de soumission à un maître et mise au
premier plan du dialogue et de l’échange. Ainsi les salles étaient toujours
ouvertes sur l’extérieur pour que l’enseignant soit placé sous le regard de la
communauté, et les chaises de l’amphithéâtre pouvaient pivoter pour que des
groupes de discussion puissent spontanément se créer. Tandis que les plateaux
libres aléatoirement découpés de cloisons amovibles favorisaient
l’interdisciplinarité, tout comme l’atrium central les assemblées générales…
Mais les cloisons resteront fixes, les fauteuils pivotants qui grinçaient en
tournant seront remplacés rapidement et le bâtiment, à la base conçu comme un
agencement machinique en perpétuel mouvement, finira par se gripper tout en ne
correspondant plus ni aux nouvelles normes ni surtout à la manière dont on
enseigne aujourd’hui, autour de facultés défendant jalousement leur autonomie.
La ville autrefois lointaine vient maintenant cerner le projet. Un plan conçu
par Uaps prévoit de réarticuler cette université centrifuge autour de l’avenue
de l’Europe et de son tramway. Et le nouveau Learning Center situé en bordure
de cette voie apparaît comme la pièce majeure de cette liaison. Comme articuler
ce bâtiment-ville à la vraie ville? Les concurrents se divisent en deux groupes
clairement opposés : ceux qui ont cherché à porter le poids de l’histoire et Ã
trouver un lien puissant avec les principes originels de l’ancien
établissement; et ceux qui ont simplement aligné un objet le long d’une voie en
répondant au programme et sans se poser plus de questions. Ainsi Marc Barani
propose une construction infrastructurelle dans la continuité des nappes
Pétroff, et les Bruther réinterprètent à leur manière les plateaux libres de
Dottelonde en proposant une hyper flexibilité. Tandis que les équipes
étrangères, qui n’ont visiblement pas cette culture, ont procédé tout
autrement. Ainsi les Finlandais d’Ala – pourtant lauréats! – se sont-ils
contentés de produire une boîte fonctionnelle et n’ont rien conservé de
l’existant. Quant aux Portugais, des frères Aires Mateus de plus en plus
autistes ou cyniques, ils donnent plutôt l’impression d’avoir recyclé des
travaux antérieurs.
Grand Remplacement
ALA & Nicolas Favet architectes, Mayot & Toussaint
paysagistes [Lauréat]
La proposition des Finlandais est d’une simplicité presque
enfantine et se lit comme un gros jouet. Véritable cheval de Troie jonglant sur
les phases, elle intègre dans un premier temps les deux bâtiments existants
pour mieux les phagocyter ensuite. Si l’on peut s’interroger sur la qualité
architecturale de ce projet et de son opportunité, on ne peut nier sa très
grande clarté : un parallélépipède encastré dans la pente naturelle du terrain.
Sa partie basse, composée d’ailettes structurelles en béton blanc, revêt un
aspect massif tout en permettant un éclairage correct des espaces qu’elle
renferme. Sa partie haute, totalement vitrée, laisse transparaître une
structure en bois, composée de poteaux et de poutres bananes couvrant de
grandes portées, qui lui accorde une iconicité bien tempérée, par opposition
aux délires formels dont l’agence s’est rendue coupable dans les pays nordiques
: la bibliothèque d’Helsinki ou le Kilden Performing Arts Centre de
Kristiansand en Norvège. Le socle renferme tous les espaces communs et les
articule fermement à l’avenue de l’Europe. Quant au plateau supérieur il
s’ouvre en belvédère sur le paysage pour accueillir : à l’avant, la grande
salle de lecture, à l’arrière, les espaces de co-working et, en mezzanine, les
laboratoires. De même le réseau des circulations ressemble à un schéma grandeur
nature : une rue intérieure longitudinale assure la jonction de l’université et
de la ville, tandis qu’une plateforme transversale met en relation, en haut,
les deux parties du Forum à l’air libre. Ces deux éléments sont solidement
assujettis par des escaliers linéaires pour former une croix clairement
lisible. Le projet cherche cependant à s’insérer davantage parmi les
réalisations récentes – le bloc gris du pôle communication réalisé par l’agence
Chabanne ou la surélévation orange de l’institut de psychologie réalisée par le
groupe Patriarche – que parmi les nappes proliférantes de Dottelonde. Il
participe au grand remplacement des nappes indifférenciées par les volumes
siglés, comme à celui de l’université libre et ouverte à tous de l’après-68 par
l’université d’aujourd’hui, de plus en plus sélective et fondée sur des
départements en concurrence.
RET OUR VERS LE FUTUR
Atelier Marc Barani
& VERA Associés architectes, Marco Rossi paysagiste
Très subtil, le projet de Marc Barani cherche à concilier
l’horizontalité de ce campus, qui trouve sa relation à la ville dans son
organisation interne, avec l’idée d’un bloc autonome entrant dans la
composition d’une façade urbaine alignée le long de l’avenue de l’Europe et de
son tramway. Ainsi, plutôt que de construire un objet autour d’un programme –
comme a pu le faire de ma - nière très scolaire l’équipe lauréate –, il a
d’abord su remonter aux fondamentaux de cet établisse - ment hors norme en
considérant les activités du Learning Center comme un simple nœud dans un
système général de circulations et d’échanges. Semblable à une infrastructure,
un socle cyclo - péen est d’abord élevé pour supporter comme une table ces flux
multidirectionnels et rendre visible la différence de niveau existant entre le
campus et l’avenue. L’ancienne bibliothèque, organiquement reliée à la première
phase, est restaurée et trouve une enveloppe en adéquation avec sa structure.
Le reste est déconstruit mais sa structure Pétroff est reconstituée pour former
une pergola flottant audessus du vaste plateau d’échange. Un mouvement encore
renforcé par le nouveau bâtiment, dont les étages accrochés par des suspentes
métalliques à la toiture porteuse laisse totalement libre le niveau supérieur
du socle. À l’intérieur tout s’organise autour d’un vaste atrium qui éclaire
zénithalement de grands escaliers polyvalents reliant l’université à la ville.
FLEXIBILITE MAXIMALE
Bruther architectes (Stéphanie Bru et Alexandre Theriot)
Le terrain est débarrassé de ses constructions vétustes,
seul subsiste le noyau en béton de la tour de l’ancienne bibliothèque et la
verrière oblique de son atrium. Le sol ne fait pas l’objet de travaux de
terrassement comme dans les propositions précédentes. Il reste en jachère
esquissant une pente incertaine à l’image d’un Campo Vaccino new age ponctué
des hautes silhouettes de l’ancienne et de la nouvelle construction. Le
bâtiment de René Dottelonde accueillera les laboratoires tandis que le bâtiment
neuf qui viendra s’aligner le long de l’avenue de l’Europe rassemblera les
espaces essentiels du Learning Center. Pour ce nouveau type de programme
Stéphanie Bru et Alexandre Theriot proposent une structure capable et
adaptable. Une trame régulière de poteaux soutient ainsi des plateaux possédant
deux types de hauteur sous-plafond : simple pour les espaces déterminés comme
l’accueil au rez-de-chaussée et la strate de bureaux qui coupe la construction
en son milieu ; double pour les autres niveaux. Ces derniers, entrecoupés de
mezzanines de formes différentes, offrent des espaces variés ouverts à de
multiples formes d’appropriation. Tandis qu’au Nord, une bande servante absorbe
les circulations verticales et sanitaires pour garantir la flexibilité promise
des espaces servis. Des balcons techniques faisant office de pare-soleil poursuivent
les dalles et soulignent leur rythme syncopé. Des rideaux métalliques festonnés
viennent s’y suspendre et donnent à cette organisation rationnelle une note
baroque et décalée, signature de ces deux auteurs.
ARCHITECTURE EN SOLDE
Aires Mateus architectes, Ilex pays
Les frères Aires Mateus font beaucoup de concours, cela
commence à se sentir. Ils se désintéressent de plus en plus de la question du
contexte pour mieux se concentrer sur leurs thèmes de prédilection. Le cloître,
par exemple, une organisation cartésienne qui ouvre au-dedans d’elle-même sur
sa propre extériorité, sa propre géographie ou les jeux optiques, notamment
expérimentés par Jesús Rafael Soto et les peintres de l’Op art. Ici, le projet
vient se caler sur l’extrémité de la bibliothèque existante comme un train sur
son butoir. Le sol est entièrement remodelé et s’avance comme un paysage
collinaire intégrant certains éléments du programme, sur lequel vient flotter
un long monolithe blanc percé d’un atrium. Tandis que les ailettes structurelles
qui composent l’enveloppe du parallélépipède s’organisent selon des directions
différentes pour sembler s’ouvrir ou se fermer en fonction du déplacement du
public sur le campus. Un projet qui recycle, d’un côté, la proposition non
retenue pour l’extension de la Nouvelle Galerie nationale de Berlin, et de
l’autre les façades du siège de la compagnie nationale d’électricité Ã
Lisbonne. On aurait préféré que ces architectes talentueux répondent avec plus
de justesse au devenir d’une université ouverte et centrifuge que la ville, qui
n’existait pas à l’origine, est venue lentement étouffer.
Penchons-nous sur ce petit concours exemplaire visant à reconstruire une salle polyvalente. Un nouv… [...] |
Ouf, cette fois pas de bunker, ni de lanternes magiques, la plupart des équipes abonnées à ce ty… [...] |
Comment inscrire une partie de la collection de la Bibliothèque nationale, un espace sécurisé en … [...] |
Un dialogue compétitif qui attire l’attention par la cohérence entre son site, son programme et… [...] |
Paris Habitat a invité quatre jeunes équipes d’architectes pour insérer une douzaine de logem… [...] |
Comment présenter dans les meilleures conditions possibles une bande de lin brodée datant du XIe&… [...] |
Réagissez à l’article en remplissant le champ ci-dessous :
Vous n'êtes pas identifié. | |||
SE CONNECTER | S'INSCRIRE |
> Questions pro |
Quel avenir pour les concours d’architecture ? 4/6
L’apparente exhaustivité des rendus et leur inadaptation à la spécificité de chaque opération des programmes de concours nuit bien souvent à l… |
Quel avenir pour les concours d’architecture ? 3/6
L’exigence de rendus copieux et d’équipes pléthoriques pousse-t-elle au crime ? Les architectes répondent. |