Madan Mahatta © Naamol |
Parce qu'il était capable de réaliser tout type de travaux nécessitant une compétence technique approfondie, Madan Mahatta est devenu le photographe attitré des architectes opérant à Delhi dans l'après-guerre. Longtemps inédites, ses images ont été exhumées à l'occasion d'une exposition, la première de ce photographe qui fête cette année ses quatre-vingts printemps.
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La photographie est une tradition familiale chez les Mahatta. Le père avait ouvert durant l'entre-deux-guerres un studio de portrait dans les montagnes du Cachemire, à Srinagar. La ville passe sous l'autorité de la République indienne lors de la partition de 1947. Pourtant, à l'instar des réfugiés hindous quittant le nouveau Pakistan musulman, la famille déménage à Delhi et ouvre une boutique sur Connaught Place, au centre de la capitale. Un espace polyvalent où l'on peut faire réaliser ses portraits, tout comme acheter du matériel et faire développer ses films. « Mahatta & Co » sera pendant longtemps le laboratoire des professionnels de Delhi.
Mais avant de traiter les images de ses confrères tout en réalisant des travaux de commande, Madan Mahatta ira parfaire sa formation en Angleterre. En 1950, il arrive à Guilford pour un stage chez Ilford, grand producteur de film et papier noir et blanc. L’un de ses superviseurs le pousse à entrer dans une école de photographie. Durant deux ans, il suit une formation technique complète, qu’il met à profit à son retour en Inde. « Il faut se rappeler qu’avant l’apparition du numérique, la technique photographique n’était pas à la portée de tous », insiste Mahatta, qui se trouve missionné sur toutes sortes de travaux : portraits, publicités, reportages, photographie industrielle.
C’est presque par hasard qu’il aborde la photographie d’architecture. « Delhi comptait à l’époque très peu de photographes qualifiés. Des architectes m’ont d’abord confié la réalisation des images de maquettes. De fil en aiguille, ils m’ont demandé de photographier leurs bâtiments. J’avais une chambre Linhof qui me permettait de répondre à ce type de travail nécessitant des décentrements. » L’appareil trône sur une table de son bureau.
Mahatta se constitue par le bouche-à -oreille une clientèle d’architectes de premier plan : Josef A. Stein (1912-2001), architecte américain qui opéra en Inde à partir de 1955, et toute l’avant-garde de l’architecture indienne, Raj Rewal, The Design Group, Kuldip Singh, A. P. Kanvinde, etc. Leurs bâtiments incarnent les valeurs progressistes que Nehru souhaitait voir advenir dans la jeune république.
IDÉAUX MODERNISTES
Entreposées dans les archives des agences d’architecture, les images de Mahatta étaient très peu diffusées. Elles ressurgissent à la faveur d’une exposition supervisée par Ram Rahman, photographe et fils de l’architecte indien Habib Rahman, à la galerie Photoink. La cinquantaine de photographies présentées ne sont qu’une infime partie de l’iceberg : un choix du commissaire pour mettre en valeur une histoire architecturale récente très méconnue des jeunes architectes indiens. Les prises de vues suivent un parti pris très technique. Cette simplicité donne aux photographies leur valeur documentaire.
Mahatta ne revendique pas de démarche « artistique » ou « innovante », même s’il a parfois cherché à expérimenter en incluant l’architecte dans l’image. On voit ainsi Stein monter l’escalier de sa Ford Foundation, ou les architectes chez eux. À propos de cette série d’images, Ram Rahman commente : « Ces vues reflètent une forme d’idéal ou de militantisme d’une poignée d’individus qui formaient une petite élite architecturale. Les aménagements font appel à du mobilier local, des savoir-faire artisanaux, dans l’esprit de l’entreprise Fabindia lancée par John Bissell. » La rusticité se retrouve dans la construction, étonnant mélange de high-tech et de low-tech, le bâtiment le plus représentatif de ce point de vue étant le Hall of Nations, une structure tridimensionnelle dessinée par Raj Rewal et l’ingénieur Mahendra Raj.
Des ambitions idéalistes servies par une qualité architecturale loin des préoccupations d’un pays aujourd’hui gagné par le consumérisme. Le monde a changé : les images sont devenues numériques, une pléthore de photographes professionnels et d’architectes opèrent à travers le pays. Au-dessus de sa boutique de Connaught Place, toujours présente, le photographe explique n’avoir jamais pensé documenter une période historique de l’Inde. Ses cartons contiennent des centaines de négatifs et de diapositives de bâtiments qui devraient bientôt trouver un public qu’ils n’avaient jamais espéré.
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