Architecte : Terreneuve, Adam Yedid, Architecture & Climat Rédigé par Emmanuel CAILLE Publié le 07/02/2011 |
Dakar
vient d'inaugurer un tout nouveau lycée français. Est-ce parce
qu'elle semble avant tout sculptée par les vents, le soleil et la
pluie que son architecture échappe aux inévitables gimmicks des
dernières tendances architecturales ? L'éthique d'une
économie de moyens n'est pas ici une posture, elle n'empêche
d'ailleurs pas l'expression d'une sensualité perceptible dans
chaque jeu d'ombres, de couleurs et de matières.
L'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) gère 461 établissements dans le monde, dont 77 en gestion directe. Homologués par l'Éducation nationale qui leur détache son personnel, ces « lycées français » sont placés sous la tutelle du ministère des Affaires étrangères. Ils sont financés en partie par les familles et en partie par l'État qui accorde également des bourses. À Dakar, la communauté française et francophone est une des plus importantes à l'étranger. La construction d'un nouvel établissement susceptible d'accueillir 2 400 élèves, de la maternelle à la terminale, est donc un événement qui revêt une signification symbolique importante.
Un concours de maîtrise d'œuvre avait été organisé en 2006 et l'équipe composée de Terreneuve architectes, associée à Adam Yedid et à l'agence dakaroise Architecture & Climat, avait été retenue. Nelly Breton et Olivier Fraisse, fondateurs de Terreneuve, avaient acquis une première expérience africaine en construisant une école expérimentale au nord du Sénégal. Dans le cadre d'un partenariat associatif bénévole, né d'une rencontre au sein de l'école alternative Vitruve à Paris, ils ont conçu un bâtiment qui a pu être réalisé sans machine ni électricité pour seulement 150 euros/mètre carré. Ils ont notamment pu y expérimenter le double mur ventilé, principe qu'ils ont ensuite appliqué au lycée Jean-Mermoz de Dakar. Cet engagement personnel a sans doute constitué un atout pour l'équipe, face aux enjeux du projet : des exigences de fonctionnement et de confort conformes aux normes européennes sous un climat tropical ; une architecture qui se devait d'être en harmonie avec la culture sénégalaise mais affranchie de tout cliché exotico-kitsch de type musée du quai Branly (sachant qu'il n'existe pas ici de référent historique en matière d'architecture institutionnelle) ; un projet dont la conception anticipe les limites locales des savoir-faire d'ingénierie d'entreprise et de disponibilité des matériaux ; enfin, une architecture dont les dispositifs spatiaux suffisent à économiser assez d'énergie et d'eau pour des raisons évidentes d'économie mais également d'autonomie, au regard des fréquentes coupures des services de la Ville.
Le lycée est implanté à Ouakam, sur la côte ouest de la presqu'île de Dakar, au nord de la médina et du Plateau, juste avant d'atteindre les deux « mamelles ». L'une de ces deux collines est devenue célèbre ; elle est en effet désormais affublée de l'immense statue de La Renaissance africaine, monument proto-stalinien symbolisant l'affranchissement des Africains envers le colonialisme, mais construit par la Corée du Nord… Véritable cité scolaire, le lycée Jean-Mermoz s'étend au sein d'une enclave oblongue (murée pour des raisons de sécurité), dans un tissu urbain peu dense et récemment constitué. L'orientation nord-sud de cette enceinte a permis de placer l'ensemble des bâtiments en lanières, de manière à capter les alizés qui, en cette région océanique, descendent du nord-ouest vers le sud-est. Ces bandes sont constituées d'une dizaine de bâtiments quadrangulaires de R+1 (pour l'école) et R+2 (pour le lycée). Leur alignement forme des canyons dont la sinuosité est déterminée non par la volumétrie des éléments mais par le choix des implantations. Ces variations offrent une succession de patios plus ou moins larges, laissant pénétrer d'autant le soleil, les rétrécissements accélérant la vitesse du vent par effet Venturi.
L'ensemble de l'établissement est évidemment pensé en fonction de l'organisation scolaire, mais c'est davantage la recherche d'un confort climatique naturel qui paraît avoir déterminé son architecture. Jeux des cours et des passerelles, épaisseur des murs et des portiques, fenêtres et passages, coursives et auvents : le dessin de chaque chose paraît n'avoir été conçu que pour domestiquer le vent, capter, réfléchir ou cacher le soleil. Trop souvent revendiquée abusivement, l'intemporalité de l'écriture architecturale trouve ici une forme d'accomplissement. Mais l'ascèse qui la suscite n'interdit pas le plaisir sensuel qu'offre la diversité des sensations spatiales, renforcée par celle des couleurs : canyons et coursives irriguent les classes longitudinalement, tandis que des passages transversaux surplombent ces vallées qui seront bientôt envahies par de grands arbres. Ces passerelles se glissent ensuite entre chaque bâtiment, découpant des séries de cadrages vers la ville alentour.
La palette des peintures utilisées multiplie et accentue ces sensations. Elles ont été choisies avec Miquel Mont. Ce peintre barcelonais a surtout joué avec trois teintes d'ocre brun rouge, rappelant la terre chargée d'hydroxyde de fer des régions intertropicales. La couleur soutenue atténue la réflexion solaire et, en prolongeant la couleur du sol, renforce l'effet de canyon, comme si ces patios avaient été creusés dans la roche non par l'eau mais par le vent.
Encore une fois, la morphologie des espaces extérieurs prime sur la volumétrie des bâtiments. Cette stratégie permet, d'une part d'échapper à l'implacable détermination programmatique d'alignement de classes et d'autre part, de s'adapter à l'économie locale : faible choix des matériaux et maîtrise rudimentaire des techniques constructives. Les volumes sont donc simples et les détails de second œuvre réduits au maximum grâce à une conception qui, par anticipation, en limite la nécessité. Cependant, si les entreprises locales ont souvent du mal à se plier aux exigences de qualité européennes, la maîtrise d'ouvrage de l'AEFE a su effectuer à Dakar un choix courageux et pertinent en faisant confiance et en soutenant une jeune entreprise sénégalaise, GE, qui a remarquablement rempli sa mission. Lors de notre visite sur place en décembre dernier, nous avons pu rencontrer maîtres d'œuvre, maîtres d'ouvrage et entreprise autour d'une table. L'affinité et le respect entre ces intervenants, qui ont appris à se connaître sur ce chantier, étaient palpables. Et si cette opération, comme toute construction, est le reflet d'une aventure humaine, l'image que renvoie aujourd'hui le lycée Jean-Mermoz est celle d'une intelligence mutuelle.
Emmanuel Caille
[ Maîtrise d'ouvrage : AEFE/ministère des Affaires étrangères. Pierre Favret, responsable d'opération. Pierre Labadie, conducteur d'opération – Maîtres d'œuvre : Terreneuve, Nelly Breton et Olivier Fraisse architectes mandataires (avec Thomas Hus pour les études et le chantier). Adam Yedid, architecte associé – BET : Architecture & Climat, architecte économie à Dakar ; Mohamadou Gueye, ingénieur chef de projet ; Armelle Claude, consultant paysagiste ; Miquel Mont, plasticien coloriste – Entreprise : Générale Entreprise – Surface HON : 17 000 m2 – Coût : 15,7 millions d'euros valeur 2006 – Livraison : septembre 2010 ]
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