Architecte : Atelier Seraji Rédigé par Emmanuel CAILLE Publié le 01/08/2003 |
Nasrine Seraji vient de livrer deux bâtiments, l'un à Vienne en Autriche, l'autre à Paris. Sans démonstrations ostentatoires, ces deux réalisations témoignent d'une capacité à renouveler les formes du logement, à proposer des réponses inattendues à des questions maintes fois abordées. Elle nous parle de ses chantiers et de l'acharnement dont elle a dû faire preuve pour préserver l'intégrité de ses projets. Son expérience de la « conception-construction » à Vienne confirme les craintes suscitées par ce type de montage d'opération parmi les maîtres d'œuvre.
163 logements étudiants à Paris
d'A : La commande de ces logements pour étudiants faisait-elle suite à un concours ?
Nasrine Seraji : Indirectement. À la suite d'un concours de logements pour la Zac de la porte d'Asnières que nous avions perdu, le maître d'ouvrage - la Sagi - qui avait néanmoins apprécié notre projet, nous a proposé de travailler sur un îlot de trois cents logements, dont le plan-masse avait été conçu par Alexandre Ghiulamila. Trois opérations étaient prévues : des logements familiaux, des logements pour jeunes et des logements pour étudiants. J'ai demandé - si j'avais le choix - de faire les logements d'étudiants.
d'A : Pourquoi ?
N.S. : D'une part, je préférais travailler sur la parcelle d'angle ; d'autre part, la question de la répétitivité d'une cellule m'intéressait. De plus, en tant qu'enseignante, je côtoie les étudiants depuis de nombreuses années ; leur vie avant et après les cours m'intéressait donc.
d'A : Quel était l'environnement urbain ?
N.S. : Une parcelle profonde donnant sur la rue du Colonel Pierre Avia. Au nord, côté Paris, le bâtiment se retourne sur les énormes locaux techniques de l'Aquaboulevard. De l'autre côté, il se prolonge en mitoyen et, à l'arrière, il fait face aux autres logements de l'opération. Sachant que la volumétrie qui nous était donnée était un volume unique en équerre, nous avons cherché à répondre aux trois vis-à -vis et à trouver une solution pour résoudre le fameux problème de la disposition des chambres dans les angles.
d'A : Mais la rentabilité nécessaire d'une telle opération ne poussait-elle pas à la solution du couloir central distribuant les cellules de part et d'autre, dans une géométrie orthogonale ?
N.S. : Non, au contraire. En cassant ce volume en trois parties, on élude la question insoluble des angles, et l'on ouvre les distributions à la lumière et aux vues dégagées. On parvient même à placer deux chambres de plus sur la façade la mieux exposée au sud-ouest. Les couloirs se dilatent par endroits suivant la disposition des chambres : de voies de distribution, ils se transforment en lieux de vie. La vie sociale des étudiants se fait plus dans les couloirs que dans les chambres. Pour nous, les couloirs font autant partie du programme ; ils ne sont pas seulement des espaces imposés par une nécessité distributive. C'est pourquoi, nous leur avons donné une architecture forte, avec ces traitements chromatiques éclatants, des éclairages et des morphologies qui les singularisent immédiatement. Pour les mêmes raisons, nous avons remonté la laverie au dernier étage (elle était prévue au sous-sol), la regroupant avec le local commun où tout le monde se rencontre.
d'A : Pourquoi les façades sont-elles toutes différentes ?
N.S. : Parce qu'il y avait trois vis-à -vis différents, trois orientations et trois géométries, donc trois sites a l'intérieur de notre parcelle induisant chacun son type de façades.
D'abord, sur l'Aquaboulevard, des balcons fins et longs de tailles différentes se projettent loin de la façade ; ils donnent de la profondeur à l'espace de la chambre depuis leur entrée, un peu comme les terrasses de Renaudie à Ivry. La vue étant la plus dure, la longueur des balcons permet des vues latérales, ainsi que des vues sur la façade elle-même en se retournant. On peut imaginer que les étudiants pourront discuter d'un balcon à l'autre.
Ensuite, au sud et à l'ouest, sur le jardin, les balcons filants à partir desquels les murs des chambres se déploient en éventail, inspirés d'Aalto à Brême et de Scharoun pour son immeuble Roméo et Juliette. On va ainsi chercher la meilleure orientation, on atténue les vis-à -vis d'angle et, surtout, on peut aligner plus de chambres sur le jardin.
Enfin, sur la rue, des boîtes, vitrées comme des extensions du volume des chambres, venaient épaissir la façade ; mais nous avons choisi de ne pas les réaliser.
d'A : Pourquoi ?
N.S. : En France, ce sont généralement les commerciaux qui chiffrent les appels d'offres, sans parvenir à mesurer correctement la complexité des ouvrages. C'est un jeu comptable plus qu'un véritable chiffrage des ouvrages. Ils sont faits sur des ratios préétablis à partir d'autres bâtiments de même type. Très souvent, l'entreprise n'arrive donc pas à réaliser ce qui était prévu dans son enveloppe budgétaire. C'est ce qui est arrivé pour ces bow-windows. Nous avons préféré renoncer à une chose dont nous savions qu'elle serait mal réalisée, et consacrer cette partie du budget à d'autre postes. Chaque façade avait son système d'extension, et il nous a semblé que, devant les façades surchargées et prétentieuses des bâtiments de bureaux de l'autre côté de la rue Pierre Avia, proposer une façade rigoureuse, presque silencieuse, avec cette grille de grandes fenêtres carrées, pouvait aussi être une réponse opportune. Il était important de rendre perceptible depuis l'extérieur le fait que chaque façade répondait à un environnement particulier. Cette première lecture a été sauvegardée ; la deuxième, sur les types d'extension, n'a pas été complètement réalisée, mais c'était moins important.
d'A : Aujourd'hui, en France, le budget par mètre carré construit ne paraît plus suffisant pour garantir une réelle qualité des réalisations, notamment pour le second œuvre. Quelle stratégie faut-il mettre en œuvre pour y remédier ?
N.S. : Je ne sui pas un architecte des détails trop lourds… Et puis, comme le dit très bien Koolhaas : « Messieurs les maîtres d'ouvrage, si vous voulez des détails, il faut les payer. »
Actuellement, dans le logement, on n'a ni les moyens de faire des détails raffinés, ni le savoir-faire susceptible de les réaliser. Il faut savoir choisir entre ce qui relève de la simple qualité de finition et les éléments dont la déformation ou la mauvaise exécution peuvent remettre en cause l'intégrité du projet.
d'A : Par exemple ?
N.S. : Pour ce bâtiment, nous avons conçu un système structurel où chaque séparation entre les chambres est un voile porteur, à la fois pour des raisons acoustiques évidentes, mais surtout pour n'avoir aucune retombée de poutre et obtenir une continuité de sol et de plafond entre l'intérieur des pièces et leurs terrasses. Ce prolongement visuel est évidemment important pour des chambres de 18 mètres carré. Pour des raisons budgétaires, nous avons dû renoncer aux menuiseries de fenêtre toute hauteur en bois pour des menuiseries en PVC qui remettaient en question cette fluidité par un énorme seuil à franchir. Nous avons dû trouver des solutions nous-mêmes, et nous battre plusieurs mois pour sauvegarder cette qualité initiale, parce qu'elle nous paraissait fondamentale pour la cohérence du projet.
Paris, rue du Colonel Pierre Avia
Programme : 163 logements étudiants, 1 logement gardien, 1 local résidentiel
et une laverie.
Maître d'ouvrage : Société anonyme de gestion immobilière.
Pascal Guigou, chef de projet.
Maître d'œuvre : Atelier Seraji : Nasrine Seraji assistée de François Pierre (conception et chantier), J.-P. Astier (chantier), J. Stollman, V. Delsine et G. Moine (conception).
BET : Tech ingénierie.
Economiste : Martin & Guiheneuf.
Entreprise générale : Bouygues.
Shon : 5 341 m2.
Coût HT : 4,45 millions d'euros.
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