Plan-masse du projet lauréat, Valode & Pistre architectes |
Une tribune dans Le Monde, la
nomination d’une commission d’experts : la polémique fait rage autour du
projet lauréat de la gare du Nord. Revenons simplement sur les propositions des
trois équipes en lice. |
Avec plus de 700 000 visiteurs par jour et mêlant trafics international, national et régional, la gare du Nord reste la gare la plus importante d’Europe. L’augmentation à court terme de cette fréquentation et la perspective des jeux Olympiques de 2024 ont hâté son projet de transformation et d’agrandissement. Pourtant sa dernière réhabilitation, menée par Jean-Marie Duthilleul en 2001, n’est pas très ancienne. L’étrange et beau montage d’une halle très fine et d’une rampe permettant aux bus de descendre de la gare routière ne date que de quelques années. SNCF Gares & Connexions a cependant lancé un appel d’offres afin de sélectionner un groupe immobilier – associé à un architecte et à un constructeur – en vue de la création d’une société d’économie mixte exploitant pendant quarante-six ans les surfaces de commerces et de bureaux nouvellement créées pour notamment autofinancer l’opération. Les objectifs principaux consistant à réorganiser ce hub pour en fluidifier les flux tout en le considérant comme une « vitrine internationale de la France ».
Le périmètre du concours ne concernait pas
directement les parties en sous-sol – RER et métro – ni les abords
directs de la gare. Et le programme rédigé par AREP préconisait de dissocier
les flux d’arrivée et de départ, comme dans les aéroports. Les arrivants
rejoindront la ville et ses différents moyens de transport en commun à travers
le quai transversal et la façade sud datant du XIXe siècle.
Tandis que les partants monteront à l’est depuis le nouveau hall de départ vers
une plateforme d’où seront lancées les passerelles rejoignant les quais, un espace de plain-pied
sur la gare des bus parallèle à la rue du Faubourg-Saint-Denis qui surplombe
les voies ferrées.
La mobilité et la ville
Comment considérer la mobilité dans la
ville ? Comme la simple mise en réseau des différents moyens de transport
permettant à chacun de rejoindre le plus rapidement possible depuis son
habitation son lieu de travail, de loisir ou d’échange… C’est ainsi que les
cités occidentales se sont développées jusqu’à aujourd’hui. Ou faut-il
d’inverser cette relation de subordination de la mobilité à l’ordre
urbain ? Comme le font les mégalopoles asiatiques qui viennent greffer
directement sur leurs grandes gares, traversées chaque jour par des centaines
de milliers de voyageurs, des tours de bureaux et des centres commerciaux pour
construire la ville à l’envers.
Ici, la question n’est pas vraiment
tranchée. Les commerces et les activités cherchent à capter les flux mais
restent confinés entre la rue du Faubourg-Saint-Denis et la gare sans
bouleverser sa silhouette, dessinée par Jacques Ignace Hittorff (1792-1867).
Pas d’excroissances incontrôlées et tentaculaires comme celles qui hérissent la
station Shibuya à Tokyo. Ni de tours de bureaux au-dessus des voies comme l’a
réalisé OMA à Euralille en reprenant le principe du Grand Central Terminal de
New York.
Difficile de donner un avis sur ces trois
propositions fortement contraintes par d’énormes surfaces annexes à intégrer
dans le gabarit défini par la réglementation urbaine et surtout par un cahier
des charges très déterminant, imposant de dissocier des sortants les entrants
et obligeant ces derniers – sauf ceux qui arrivent en bus par la rue
Saint-Denis – à monter pour descendre.
Concernant les zones de chalandise, les
lauréats projettent un centre commercial traditionnel, associé à une salle de
spectacle de 2 800 places, au-dessus des flux voyageurs afin de créer
un « lieu de destination ». Dietmar Feichtinger cherche à les
minimiser pour privilégier la gare comme un édifice public en relation avec la
ville alentour. Tandis que Jean-Michel Wilmotte voit dans cette zone de transit
et d’attente un espace privilégié pour expérimenter de nouvelles pratiques
commerciales. Des stands présentant des produits qui ne seront pas directement
achetés sur place, mais seulement essayés ou testés pour être ensuite commandés
sur Internet.
En partie à cause d’un périmètre
d’opération trop restreint, on voit mal, malgré les velléités de chacun
– en faire un pôle centripète attirant les foules ou, centrifuge,
s’ouvrant de toutes parts sur le parvis et les rues – comment ce hub, qui
trouve déjà en lui-même la foule qui l’anime, pourrait modifier le quartier
difficile qui l’entoure. Un quartier en crise qui risque de se dégrader un peu
plus autour du gigantesque lieu d’échange et de richesse qui l’enclave et
l’éloigne irrémissiblement du reste de la ville.
Faire de la gare une destination
Lauréats : Ceetrus, filiale
immobilière du groupe Auchan (mandataire) – Valode & Pistre
Architectes – Eiffage Construction
À l’est, l’équipe lauréate dépose la halle
et la rampe construite par Duthilleul pour édifier devant le parvis un bloc
cristallin dont la toiture plate est portée par de hautes colonnes
arborescentes très visibles de l’extérieur par transparence. Cette construction
arachnéenne arrime le bâtiment de l’ancienne poste à la grande halle en pierre
pour former une longue façade unitaire. À l’intérieur, après un atrium vitré,
s’élance une profonde galerie sous verrière. De cet espace, il est possible de
descendre vers le métro et le RER, de rejoindre les TER, d’accéder à un vaste
silo à vélos, de monter vers la plateforme d’accès aux trains nationaux et
internationaux ou de bifurquer pour atteindre, à l’ouest, le terminal Eurostar.
Des escalators montent encore pour desservir les commerces, les bureaux, les
équipements culturels et sportifs. À l’étage, la plateforme uniquement ponctuée
de stands de commerce de proximité distribue les flux vers les trois
passerelles qui desservent les quais. Des atriums d’où tombe une lumière
zénithale mettent cet espace en communication avec le centre commercial qui se
déploie au-dessus. En toiture, des jardins alternent avec des terrains de sport
tandis que la falaise vitrée de la façade ouest se creuse d’une improbable
piste de trail urbain.
Côté arrivée, le quai transversal est très
judicieusement totalement débarrassé des extensions métalliques réalisées lors
de la réhabilitation précédente pour que les voyageurs puissent découvrir la
façade intérieure, telle qu’Hittorff l’avait imaginée. Les contrôles précédant
l’embarquement dans les trains transmanches s’opérant désormais sur des
plateformes latérales disposées de part et d’autre de la grande halle.
Faire entrer la ville dans la gare
Altarea Cogedim, Développeur immobilier
(mandataire) – Dietmar Feichtinger, Architectes – Besix Construction
Contrairement à Valode & Pistre,
Dietmar Feichtinger ne cherche pas à unifier les différents composants de la
gare. Au contraire, il tente de faire pénétrer la logique urbaine à l’intérieur
même du bâtiment. Si la halle de Duthilleul est supprimée sous la pression des
surfaces de bureaux et de commerces à construire, la rampe d’accès à la station
de bus est conservée. Elle change de destination pour permettre au public
d’accéder directement depuis le parvis à la plateforme des départs et préserve
l’autonomie de l’ancien bâtiment des postes. Tandis que la nouvelle
construction s’affirme comme une adjonction : un volume vitré porté par
d’élégants faisceaux de colonnes, annoncé par un auvent qui s’avance vers la
ville pour chercher les voyageurs. À part le terminal de l’Eurostar qui
conserve son ancien emplacement, le schéma général de distribution ne change
pas de manière significative par rapport à la proposition précédente. Les
passerelles menant aux quais nationaux et internationaux semblent mieux
dessinées et mieux s’intégrer à la verrière de l’élève de Charles Percier,
fasciné par la Grèce Antique, dont les deux pans directement soutenus par deux
rangées de colonnes intermédiaires rappellent la manière dont les toitures des
temples étaient portées. Tandis qu’en superstructure le programme de bureaux et
de coworking, qui a été légèrement favorisé par rapport au programme
commercial, s’enveloppe d’une peau de Corten et se couronne d’un jardin
unitaire qui sait descendre en amphithéâtre vers le nord pour s’orienter vers
le Sacré-Cœur.
Accentuer les porosités
Apsys, entreprise
spécialisée dans le développement de centres commerciaux (mandataire) –
Wilmotte & Associés Architectes
Plus politique et prudent que ses
confrères, Jean-Michel Wilmotte conserve les halles existantes : celle de
1871, inscrite au patrimoine des Monuments historiques, et celle de Jean-Marie
Duthilleul dont il retranche cependant l’extrémité nord pour l’aligner avec la
précédente. La rampe des bus est supprimée et une troisième verrière est
édifiée à son emplacement. Cet ensemble de pignons hétérogènes est unifié Ã
l’extérieur par une haute façade de verre. Une opération qui permet d’intégrer
le bâtiment de la poste et d’affirmer sans ambiguïté la nouvelle entrée. Une
entrée qui mène à la plateforme des départs, d’où s’élancent deux larges
passerelles – l’une intérieure traversant la grande halle, l’autre
extérieure – canalisant les flux des voyageurs vers les quais des
Intercités, Thalys et TGV. Tandis que, de l’autre côté, la cour de Maubeuge,
libérée de sa station taxi et recouverte d’une verrière, abrite une seconde
entrée permettant de rejoindre les trains transmanches, un dispositif qui
maximalise ainsi les porosités vers le quartier.
Le bâtiment principal, bien qu’enclavé, parvient à une certaine pureté. C’est un parallélépipède recouvert de lames de verre verticales qui rappellent les textures d’Issey Miyake. À l’intérieur, d’épais plateaux découpés de trémies coulissent sur plusieurs niveaux au-dessous de la plateforme d’accès aux trains pour accueillir les différents composants du programme : commerces, bureaux et espaces à vocation cultuelle.
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