La bande, le grand 8 et les plots. Trois propositions pour le concours du parc des expositions de l'agglomération toulousaine.

Rédigé par Richard SCOFFIER
Publié le 07/10/2011

OMA + SUTTER & TAILLANDIER / PUIG PUJOL + BATTLE I ROIG, Projet Lauréat

Article paru dans d'A n°203

Ce concours lancé par l'agglomération toulousaine permet d'appréhender trois différentes manières de poser la question du parc des expositions d'aujourd'hui. Un équipement paradoxal qui, connecté aux aéroports ainsi qu'aux autoroutes et lié organiquement au territoire, semble toujours hanté par la question de « faire Â» ville. 

Le site retenu pour le nouveau parc des expositions (PEX) se trouve au bout des pistes de l'aéroport de Toulouse-Blagnac et doit répondre aux contraintes de hauteur définies par les cônes d'atterrissage et de décollage des avions. 



C'est un espace totalement hétérogène, digne d'un inventaire à la Prévert : s'y pressent un golf, un hangar cyclopéen construit pour le montage des Airbus A380, la Garonne, des champs cultivés, des hameaux et des villages, des zones pavillonnaires et des fragments de forêts qui persistent dans les interstices.

Les parcs d'exposition se présentaient encore récemment comme des accumulations de hangars poly-valents. Mais les contenants tendent aujourd'hui à rivaliser avec les contenus. En témoigne notamment le vain traitement de la couverture de la rue centrale de la foire de Milan réalisée en 2005 par Massimiliano Fuksas, qui décline emphatiquement la verrière du passage Victor-Emmanuel.
Ici, heureusement, pas de simples juxtapositions de boîtes fonctionnelles, ni de volonté de faire « icône » : les architectes en compétition ont su proposer des dispositifs spatiaux qui témoignent d'une véritable réflexion sur ce que doivent être ces lieux atypiques.


DISCOURS/FIGURES

Chaque équipe semble avoir abordé le problème d'un point de vue très spécifique : les rapports territoriaux chez OMA ou les sensations de l'homme qui marche chez les Portzamparc, la canalisation des flux chez Valode & Pistre. Des approches très différentes se sont donc librement exprimées : géographique, psychologique ou sociale.
Mais c'est la figure génératrice permettant à chacune de ces propositions de se cristalliser qui mérite d'être interrogée. Ainsi, la bande programmatique employée par OMA détermine un élément générateur capable, en se superposant, en s'accumulant ou en se déformant, de produire de multiples organisations spatiales, de multiples alternatives à la trame urbaine orthogonale. En témoignaient les projets de Rem Koolhaas pour le parc de la Villette, Melun-Sénart ou Euralille. Ou le 8 utilisé par Christian et Elizabeth de Portzamparc, qui génère de l'illimité, de l'infini, à l'intérieur de limites très précises. Ce schème semble se retrouver dans plusieurs de leurs projets de salles de concerts, notamment la Philharmonie de Paris. Enfin, l'axe rythmé de plots, une organisation récurrente à de nombreuses propositions architecturales ou urbaines de Valode & Pistre, du multiplex de Bercy à l'aménagement des quais de Glasgow.
Chacune de ces formes permet de répondre à sa manière à la question du phasage : par intensification, par duplication, par extension. Mais ces schèmes permettent également de traiter le problème de la desserte et du parc automobile. Ils forment une microbande servante qui s'immisce au centre de l'organisation chez OMA, un espace placentaire diffus qui organise le traitement paysager de la périphérie de l'opération chez les Portzamparc, ou vient se glisser sous le mail piéton surélevé afin de l'activer chez Valode & Pistre.


BANDE

OMA (REM KOOLHAAS & CLÉMENT BLANCHET) + SUTTER & TAILLANDIER/PUIG PUJOL + BATTLE I ROIG, PROJET LAURÉAT

L'équipe réunie autour de Clément Blanchet a essentiellement travaillé sur l'échelle du territoire. Plus qu'un simple édifice, c'est un véritable dispositif géographique qui est proposé. Le paysage est analysé non comme un tissu ou une texture mais comme une accumulation de bandes programmatiques lancées en désordre les unes sur les autres. Vus sous cet angle, la « Voie lactée » menant au centre-ville, la Garonne, les pistes de l'aéroport, les champs cultivés, les zones pavillonnaires composent de multiples strates d'activités. Afin d'articuler efficacement ces strates hétérogènes, une bande vertueuse sortant 
délibérément du cadre de l'intervention est proposée. Elle rappelle la bande « communication et développement » du concours de 1987 pour Melun-Sénart qui, en concentrant toutes les potentialités, devait accueillir les équipements desservant d'autres zones à l'urbanisation non réglementée. Ici, cette bande de 320 mètres de large et de 2,8 kilomètres de long relie l'usine Airbus à la Garonne. Pour éviter tout étalement anarchique, elle délimite un espace strictement protégé sur lequel viendra d'abord se greffer la première phase du PEX, en attendant ses multiples formes d'extensions futures.
Un seul volume, un seul bloc, assume ensuite toutes les fonctions demandées par le programme de la consultation. Il se décompose dans le sens de la largeur en trois sous-bandes : espace fermé, espace d'accueil et de distribution, espace couvert.
D'un côté, un unique espace d'exposition attend les futures manifestations. Il s'interrompt brutalement pour que puisse être préservée une ferme existante. Au centre, une longue promenade éclairée zénithalement, au-dessus de laquelle sont lancées les rampes du parking où transitent des véhicules visibles de toutes parts. Les automobiles sont étonnamment assimilées à des extensions du bâtiment, assurant les liaisons comme des ascenseurs horizontaux.
De l'autre côté, s'ouvre une partie simplement couverte et reposant sur de hauts poteaux. Elle est réservée aux manifestations de plein air et fonctionne comme un gigantesque parvis desservi par la future ligne de tramway. Sous l'une des extrémités de cet auvent vient se glisser le volume de la grande salle multifonctionnelle.
La structure rappelle les sculptures de Sol LeWitt ou le carroyage du monument continu de Super Studio. Elle peut s'arrêter ou se poursuivre à l'infini sans mettre son intégrité en cause.


GRAND 8

CHRISTIAN & ELIZABETH DE PORTZAMPARC + AGENCE AZEMA + AGENCE D'ICI LÀ

Le projet d'Elizabeth et Christian de Portzamparc constitue un noyau urbain dense qui vient épouser la géographie du site et reste très strictement délimité. Ce dispositif permet d'assimiler la métropole toulousaine à une étendue composée de champs et de forêts, ponctuée d'îles habitées, étroitement connectées aux réseaux de communication afin d'éviter tout étalement incontrôlé, toute urbanisation diffuse.

Mais plus que sur le territoire, plus que sur la foule, c'est sur l'individu, considéré comme un corps de sensations, que se développe la proposition. Le travail subtil sur le dimensionnement des volumes et leur espacement cherche à éviter de générer la moindre impression négative de gigantisme et d'écrasement.

Les pavillons s'organisent autour d'un parcours en 8 qui se compose de deux boucles, de deux séquences distinctes correspondant aux deux phases de l'opération. Les visiteurs peuvent ainsi se repérer très facilement dans un espace qui ne possède pourtant ni véritable commencement, ni véritable fin : à l'image des bandes de Möbius et autres figures évoquant la domestication de l'infini.

Les constructions qui jalonnent la première boucle montent en spirale vers la masse de la grande salle multifonctionnelle pour pondérer la violence de son apparition. Celles de la seconde boucle amorcent un mouvement descendant permettant d'intégrer organiquement la ferme existante à l'autre extrémité.

Dans les deux cas, les divers pavillons se déhanchent autour d'une pièce d'eau taillée en amande afin de mettre en évidence leurs murs tatoués par la signalétique. Le caractère dynamique de ces compositions est encore souligné par les toitures plates posées en décalage sur les volumes. Leurs hauts attiques cachent une végétation technique destinée à retenir les eaux pluviales et à proposer une meilleure iso-lation thermique des salles.

Tout est fait pour que les visiteurs ne puissent jamais ressentir l'angoisse de se perdre ou d'être enfermés, malgré la vaste superficie et le nombre des pavillons. 

Les véhicules sont évacués comme autant de prothèses, de protections inutiles ; ils prennent place dans de vastes parkings disposés autour de l'opération, où ils disparaissent à l'ombre des plantations.


PLOTS

VALODE & PISTRE + LCR ARCHITECTES + MICHEL DESVIGNE

L'agence Valode & Pistre semble partir du schème plus prosaïque de la ville linéaire, de la rue scandée de constructions. Mais cette approche est enrichie par un savant travail en coupe. Ainsi, le segment d'axe se soulève pour composer une promenade haute lancée d'est en ouest au-dessus de la D 902, un belvédère offrant aux visiteurs des vues inédites sur le paysage. Ce fragment de dalle étiré recouvre la station de tramway et deux niveaux de parking qui en assurent l'accès direct par de multiples trémies. Constellée de kiosques, la nouvelle jetée dessert les différents halls, comme une salle d'embarquement d'aéroport permet l'accès aux avions. Elle se plisse et se brise pour éviter tout effet d'alignement et accentuer le caractère singulier de chacun des pavillons qui la scandent. Ils peuvent ainsi se présenter de trois quarts, non comme de simples façades mais comme des volumes autonomes sculpturalement dessinés. Carrossés de métal coloré, ils ouvrent de vastes vitrines sur le mail, tandis que leurs toitures s'avancent en formant de gigantesques cerfs-volants protecteurs.

Les visiteurs accèdent aux divers lieux d'exposition par des accueils en mezzanine : ils ont ainsi une vision synoptique de l'organisation de l'espace avant de plonger dans la forêt des stands. 

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