Portrait de James Casebere |
Artiste ? Photographe ? Architecte ? Qui est James Casebere ? Sûrement un condensé de ces trois arts. En témoignent ses images envoûtantes de lieux du passé ou du présent, reconstituées par des maquettes que l'Américain a lui-même réalisées avant de les photographier. Autant de clichés qui croisent histoire, actualité et théorie architecturale. |
d'A : Comment êtes-vous venu à vous intéresser à l'architecture ?
James Casebere : Après avoir passé quelques mois en fac, j'ai intégré une école d'art où je me suis davantage formé aux arts visuels qu'à la photographie. Dans les années 1970, je m'intéressais beaucoup au travail de Robert Smithson ou de Robert Morris, pionniers du Land Art et précurseurs de l'art minimal. Ils réalisaient des installations temporaires ou des performances en pleine nature, et ensuite les photographiaient. La sculpture me tenait particulièrement à cœur. D'autant que mon professeur préféré à l'école n'était autre que l'artiste conceptuel d'origine iranienne, Siah Armajani. À travers ses œuvres, il tentait d'opérer une synthèse entre sculpture et architecture, médium auquel il était particulièrement attentif, comme beaucoup de ses confrères d'alors, tel Dennis Oppenheim.
d'A : Et la photo ?
J.C. : Très rapidement, j'ai commencé à prendre en photo les petites choses que je créais. En fait, je désirais que ces clichés soient bien plus qu'un document, et que la photo devienne la première forme d'expression de mes œuvres et non pas seulement un simple outil.
d'A : Comment travaillez-vous ?
J.C. : En général, tout part d'une image (photo, gravure, peinture…) figurant un lieu, un bâtiment, un intérieur ou un espace. De là , j'imagine une maquette, qui en respecte l'échelle. Il m'arrive aussi de combiner plusieurs lieux en un seul et qu'au final la maquette n'ait plus rien à voir avec l'image initiale. Comme pour « Abadia » : je suis parti d'un palais perse pour aboutir à une construction plutôt cistercienne. Une fois la maquette réalisée, j'y intègre toujours une forme d'action, par exemple, en ouvrant une fenêtre, en jouant avec les ombres ou encore en suggérant une activité. Puis, je photographie l'ensemble.
d'A : Comment votre travail a-t-il évolué au fil du temps ?
J.C. : En fonction des différentes théories architecturales. À mes débuts, j'étais très influencé par l'épistémologue français Gaston Bachelard, qui avait écrit sur la poétique de l'espace. Aussi mes premières images traitaient-elles l'espace en fonction de mes souvenirs. Mais dans les années 1970, d'autres philosophes, comme Barthes, Piaget, ou Lévi-Strauss ont pris le dessus avec leurs théories linguistiques. Robert Venturi a, par exemple, tenté d'appliquer la sémiotique à l'architecture. Et moi, j'ai commencé à aborder cette dernière comme un système scientifique. Je voulais créer une image synthétisant la photo, l'architecture, la sculpture, l'image animée ciné ou télé. Quand je suis arrivé à New York en 1979, seule l'image avait droit de cité. Alors j'ai fait des films avant de réduire mon travail à un seul cliché. Dix ans plus tard, je me suis aperçu que mon approche de l'architecture ne fonctionnait plus. Influencé par les théories du siècle des Lumières, j'ai traité l'espace et la lumière plus simplement, de manière plus directe aussi. Et j'ai commencé à remonter le temps en me penchant, par exemple, sur l'architecture mythique du Far West, ou sur celle du ghetto de Venise au XVe siècle. Lors d'un voyage à Berlin en 1998, je me suis rendu sur la Potsdammer Platz. Je sentais un enthousiasme débordant pour le futur, mais moi je n'arrêtais pas de penser au passé. Je me suis alors focalisé sur tout ce qui était sous terre : le métro, bien sûr, mais aussi les bunkers construits sous le Reichstag. J'ai toujours pensé que l'art était politique. Ce qui explique que mon travail croise un aspect social à la réalité historique.
d'A : Qu'est-ce qui vous inspire ?
J.C. : J'ai réalisé la première image de la série andalouse (présentée à la galerie Templon l'été dernier) au moment de l'invasion de l'Irak par les troupes américaines. Aux États-Unis, les gens ne connaissent pratiquement rien des autres cultures, en savent encore moins sur l'Islam mais, malgré cela, nous avons quand même envahi l'Irak. J'ai eu envie de lire des ouvrages sur le monde hispano-mauresque. L'Europe était alors plongée dans l'obscurantisme. Ce qui n'était ni le cas des pays musulmans ni celui de l'Espagne. J'ai voulu promouvoir cette culture hybride de la translation.
d'A : Comment imaginez-vous la ville idéale ?
J.C. : Ce qui pourrait nous arriver de mieux serait que les architectes proposent une synthèse entre modernisme et post-modernisme, en créant quelque chose qui s'inscrive davantage dans son contexte. Là où Venturi n'a pas réussi, il y a une possibilité pour les autres d'y arriver. Mais cela nécessite un respect de l'espace, de la lumière et, bien entendu, des sources vernaculaires.
d'A : Vous n'avez jamais été tenté de construire quelque chose pour de vrai ?
J.C. : Si, bien sûr. Je viens de déménager mon atelier de Manhattan pour m'installer à Brooklyn. J'ai engagé David Adjaye, un jeune architecte d'origine ghanéenne pour mener à bien ce projet, et nous avons beaucoup travaillé ensemble. Fils de diplomate, il a souvent voyagé au Moyen-Orient avant de s'installer à Londres. Autant d'influences que l'on retrouve dans son travail. J'aime sa façon moyen-orientale d'utiliser les puits de lumière et de faire circuler l'air. Mon atelier est son premier bâtiment aux États-Unis, mais je sais qu'il travaille également sur un musée à Denver. Il vient aussi d'achever l'immeuble du Nobel à Oslo, et des librairies à Londres. (YY)
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