Qu’il paraît déjà loin le temps où les meilleurs architectes se faisaient un nom en inventant de nouvelles façons d’habiter ensemble. Pour se faire une place dans le grand cirque médiatique, mieux vaut aujourd’hui construire un temple de la consommation de luxe ou une fondation d’art contemporain et laisser le logement aux besogneux. Depuis vingt ans, cette tâche a été en partie abandonnée aux post-étudiants qui, se désespérant d’accéder à la commande, se sont épuisés (gracieusement) dans les seuls concours (généralement sans suite) auxquels on voulait bien les laisser participer. Ils s’y sont acharnés à trouver de nouvelles manières d’organiser l’espace pour abriter le citoyen du futur, passant vite maîtres dans l’art du recyclage d’idées plus ou moins récentes, idées souvent justement oubliées pour leur ineptie. Cet héroïsme de la nouveauté et du radicalisme s’est trouvé de plus en plus en décalage avec la tranquille assurance d’une commande se
complaisant dans le conformisme médiocre et avec la chape de plomb des contraintes réglementaires qui s’est abattue sur toute velléité d’inventivité.
Poser les questions de l’habiter en termes de logement ou de cellule ne pouvait de toute façon qu’aboutir à un épuisement des possibilités géométriques. Mais patiemment, avec plus d’humilité peut-être, des architectes tentent aujourd’hui d’infléchir les modèles imposés. Ils doivent sans cesse faire comprendre que leur travail n’a de sens que si la pensée qui le porte n’accueille en un même mouvement son environnement, son histoire, les flux qui l’animent et les processus de production qui le façonnent. Qu’il nous soit permis de rappeler cette évidence et d’en profiter pour souhaiter bonne chance à notre nouveau confrère, le magazine traits urbains, dont l’ambition est justement d’être un outil de réflexion pour mieux habiter… ensemble.
Emmanuel Caille
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