Portrait de Gao Bo |
Il est l'un des artistes les plus insaisissables qui soient. Toujours là où on ne l'attend pas. Dessinateur et peintre à ses débuts, Gao Bo est devenu photographe « par hasard ». S'il commence par embrasser le reportage, il ressent néanmoins très vite le besoin de réaliser un travail plus personnel. Ce sera Les Tibétains, série présentée cet été à la galerie Vu à Paris. De saisissants et rigoureux portraits en noir et blanc, retravaillés à la main, d'hommes et de femmes bâillonnés, dont le regard intense, profond, frappe directement le spectateur, l'interpellant sans compromis. Mais Gao Bo ne s'arrête pas là . Le voilà aujourd'hui devenu architecte. Rencontre.
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d'A : Comment êtes-vous passé de la photographie à l'architecture ?
Gao Bo : C'est avant tout une histoire de dimension, puisque je suis passé de la deuxième à la troisième dimension. Tout a commencé quand on m'a commandé un livre sur le parcours et les réalisations de Pei. Non seulement cela m'a permis de me familiariser avec son travail, mais ça m'a surtout donné une véritable vision de l'architecture, chose dont je ne me préoccupais pas auparavant. À cette occasion, j'ai rencontré son frère qui m'a dit avoir réalisé sa maison tout seul (l'aide de Pei lui aurait coûté trop cher !). Il n'empêche qu'elle a reçu un prix. Cela m'a encouragé. D'autant que je commençais à chercher un lieu où habiter. Comme rien ne me convenait, j'ai décidé d'acheter un terrain et d'y construire moi aussi ma maison. Comme je savais dessiner, j'ai imaginé les plans avant de jouer les techniciens, les maçons, les décorateurs et les bricoleurs. J'ai trouvé ça très amusant. Certes, j'ai fait des erreurs : il a fallu détruire certaines choses et recommencer. Mais ce n'était pas grave puisque j'étais mon propre client. À la fin des travaux, des architectes internationaux présents à Pékin pour un congrès mondial sont venus voir la maison. Un Chinois qui a construit une réalisation moderne en Chine, vous pensez ! Ils ont trouvé que j'avais fait quelque chose dans l'esprit de Le Corbusier. Je ne savais même pas qui c'était !
d'A : Mettez-vous une frontière entre ces deux métiers, ou s'agit-il plutôt de vases communicants ?
G.B. : Un jour, on m'a dit que je dessinais des maisons en fonction des prises de vue ! « Tu sais déjà où tu vas mettre ton trépied pour faire de belles photos », m'a dit l'un de mes amis. C'est vrai que je commence toujours par visualiser l'ensemble en deux dimensions. Après, je rentre dedans et j'essaie de regarder à l'intérieur pour imaginer un espace qui corresponde à l'extérieur. Je reconnais que ce n'est pas la démarche d'un architecte professionnel… Je n'en ai d'ailleurs pas envie.
d'A : Le travail de la matière est important dans vos photos. Une photo, c'est aussi quelque chose qui se construit ?
G.B. : Tout à fait. Un artiste est avant tout un artisan. Moi, je fabrique mes produits sensibles, mon papier, et j'espère bien pouvoir, un jour, fabriquer mes négatifs. Je pense que cela vient d'une nostalgie du temps où j'étais peintre. Je regrette d'y avoir mis un terme mais, en même temps, je trouvais que je n'avais pas assez de talent. Je suis devenu photographe par hasard. Un jour, j'ai participé à un concours et j'ai gagné un Hasselblad, alors que je n'avais jamais fait de photos auparavant. Je ne sais par quelles coïncidences j'ai appris le langage de la photo. C'est un langage très jeune, ce qui veut dire qu'on peut encore et toujours le développer. Je me demande d'ailleurs toujours pourquoi Man Ray a dessiné sur ses tirages, et pourquoi Henri Cartier-Bresson a arrêté de faire de la photo pour se consacrer au dessin. La réponse à ces questions se trouve peut-être dans une pub Kodak datant de 1886 : « Appuyez sur le bouton, nous ferons le reste. » Peut-être qu'à partir de là , la photo devient un produit industriel.
d'A : Pékin change, on détruit, on reconstruit. L'architecte est au travail. Le photographe ne ressent-il pas le besoin de photographier ce qui est sur le point de disparaître ?
G.B. : Il y a des patrimoines qu'on regarde, et d'autres dans lesquels on habite. Encore faut-il pouvoir y habiter. Les architectures chinoises anciennes, surtout celles des quartiers populaires, ont été réalisées avec très peu de moyens. Aujourd'hui, c'est bon pour les yeux, mais mauvais pour la santé : il n'y a pas d'égouts pour les eaux usées, ni de toilettes, ni d'eau courante. Qui peut financer la restauration de ces quartiers ? Les habitants ? Non. Eux rêvent d'habiter des tours avec tout le confort possible et imaginable. Avant d'émettre un quelconque jugement sur ce sujet, il faut savoir de quoi on parle. Cela ne veut pas dire que j'aime moins la culture traditionnelle de mon pays ; au contraire. La Chine actuelle est un chantier. Pour les architectes, c'est une chance formidable. Malheureusement, l'architecture chez nous est un métier neuf. Les règles établies depuis des siècles dans un traité sont encore appliquées aujourd'hui. Notre premier modernisme a été stalinien. La Chine a besoin d'exemples d'architectures modernes. Koolhas va réaliser le siège de la télévision centrale ; Charpentier, l'opéra de Shanghai. Mais on a oublié quelque chose : trouver un modernisme qui corresponde à notre société. J'espère que les grands architectes vont réfléchir à cela et ne pas se contenter de critiquer la Chine pour avoir détruit la richesse de son patrimoine.
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