Frederic Lefever |
Frédéric Lefever est né en 1965 à Charleroi. Il vit à Montreuil-sur-Mer
(Pas-de-Calais) dans un pavillon qu'il a rendu à sa banalité. Il
photographie des boutiques, des maisons, des stades… de face, en
portraitiste. L'objectivité de ses œuvres dissimule et révèle un regard
attentif porté sur l'effort des gens de condition modeste pour habiter
le monde.
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La frontalité de l'image est celle d'un tableau. Elle est soigneusement composée ou, puisqu'il s'agit d'une photographie, cadrée. Un indice le révèle : dans le coin supérieur droit, l'oblique d'une rive de zinc indique que l'image a été découpée dans le pignon d'une maison que l'on ne verra pas. L'évidence des fenêtres, de la descente d'eau avec ses ramifications, souligne cette trivialité : c'est une maison. Mais le découpage horizontal en trois bandes superposées de hauteur inégale – gris clair du trottoir, noir anthracite, gris-bleu et noir charbonneux tirant au rouge, comme relevé de quelque éclat à la feuille d'or (ce sont en fait des écaillures sur la brique que ce noir recouvre) – possède une telle force picturale que ce pourrait aussi bien être un tableau, fermé sur lui-même.
La grande dimension du tirage original, son cadre et sa marie-louise le confirment. Appartient encore à la peinture un petit carré blanc, parfaitement abstrait, qui semble au point d'équilibre des aplats et de leur répartition. Les fenêtres, les tuyaux relèvent d'une autre composition, aléatoire, étrange, déséquilibrée : ils tirent l'image sur la gauche et il faut la masse visuelle de ces noirs pour l'empêcher de basculer. Voilà qu'ils perdent de leur trivialité, de leur banalité, pour participer du tableau. Autre bizarrerie :
les fenêtres paraissent ne pas correspondre à des étages, leur disposition échappe à la raison. Aucune n'est identique à l'autre, soit en dimensions, soit parce que les huisseries de PVC, qui ne correspondent pas aux cadres, diffèrent.
Maître et élève
Chacune découpe à son tour de son vitrage un tableau, qui tantôt reflète, tantôt laisse voir ce qui est derrière, sans que l'expliquent les lois optiques. En bas, un géranium ; au-dessus, un rideau blanc, à fleurs ; un peu plus haut à droite, découpé en deux, le feuillage d'un arbre qui se miroite ; tout en haut, un gris métallique, aveugle, réfléchit le ciel : quatre petits tableaux de jardins, intérieurs ou extérieurs, réels ou figurés. Ils sont ordonnés par la verticale du tuyau, dont la rigueur est démentie par l'arborescence des raccords, qui renvoient à un bricolage domestique.
Cette image duelle a deux auteurs : le propriétaire de la maison, qui a eu l'idée saugrenue de la peindre en noir, qui l'entretient et la décore, la soigne et l'améliore ; le photographe, qui y a vu un tableau dans lequel s'ouvrent d'autres tableaux, les a cadrés et encadrés. L'un et l'autre ne partagent pas la même
culture : l'une est populaire (elle est trahie par le rideau à fleurs, le géranium), l'autre savante (elle est pénétrée d'abstraction). Cependant, dans cette image, ces cultures ne s'opposent pas : elles se rejoignent au contraire, pour la former. Dans l'unité de l'image, atteinte par l'équilibre des lignes et des surfaces, le rassemblement sous une lumière sans ombre et sans profondeur des choses et de leurs effets, de leur simplicité et de leur noblesse, se lisent à la fois l'attention portée et l'hommage rendu par le photographe à l'anonyme occupant de cette maison.
Le parti pris des choses
La photographie s'appelle Crosby. C'est le nom d'un faubourg de Liverpool, au nord, sur la Mersey. Crosby appartient à une série sur les cités-jardins d'Ebenezer Howard mais ne correspond en rien à ce sujet. Les maisons des cités-jardins, vues de l'extérieur, sont trop lisses, trop soignées : Lefever n'y trouvait pas son compte. C'est lors d'une escapade qu'il a rencontré la maison noire. Pourquoi elle ? Parce qu'elle est le lieu d'une autre rencontre, de ce télescopage des cultures, d'où sourd la poésie dis-crète de l'humanité ordinaire (et c'est en cela que ses images ne sont pas des illustrations).
La série tient son nom d'une expression populaire anglaise : An Englishman's Home is his Castle (« le foyer d'un Anglais est son château »). Il n'y a jamais de dérision chez Frédéric Lefever mais bien l'exacerbation d'une écoute visuelle, l'acuité d'un regard sensible à la banalité du quotidien des gens simples qui trouvent et expriment, dans leur maison, mieux qu'un abri ou un refuge : une demeure, un château dont ils sont les humbles seigneurs. Pas non plus de nostalgie dans ses images mais la force du réel, où se joue la dignité de l'existence. Frédéric Lefever ne photographie jamais les intérieurs, comme le ferait un Martin Parr, dont le regard est cruel quand il les viole. Le sien est tendre, ému par ces riens qui prouvent que l'homme est dans le détail.
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