Pourquoi les Français s’intéressent-ils aussi peu à l’architecture et à l’urbanisme, alors que le budget qu’ils consacrent à leur logement est de loin le plus important? Pourquoi les questions liées à l’architecture et au paysage sont-elles aussi absentes des débats publics? Il est vrai qu’entre la «bravitude» inspirée par la muraille de Chine et la pulsion du Kärcher qu’inspirent nos banlieues, nos deux candidats potentiels à la présidence nous font comprendre que l’exemple ne viendra pas d’en haut. L’inculture architecturale engendre un cercle vicieux qu’il est difficile de rompre: la qualité des constructions dépend de la capacité de leurs commanditaires à en apprécier la valeur. Sans aucun savoir, sans outil critique, le client a peu de chance de faire le bon choix, la production médiocre qui en résulte ne fait
que confirmer les préventions négatives envers les architectes. On comprend mieux alors pourquoi nombre de talentueux maîtres d’ œuvre, forcément plus exigeants, n’accèdent pas ou peu à la commande. Entre arrogance et désinvolture, les architectes n’ont pas toujours été les meilleurs avocats de leur profession, dont le rôle est pourtant essentiel au sein de la société. L’heure semble cependant venue où certains se mobilisent contre cette fatalité: dans presque chaque région, à côté des CAUE, des maisons de l’architecture viennent de se créer. Avec des intentions et des moyens fort différents, elles sont devenues des lieux d’échanges, de réflexion et de diffusion de la culture architecturale et urbaine. Entre militantisme éclairé et écueils de l’autopromotion, ces maisons expérimentent diverses approches et méthodologies pour faire partager une passion au service d’un environnement plus digne, plus beau. Nous vous invitons ce mois-ci, avec notre dossier, à parcourir avec nous le réseau de ces nouvelles maisons.
Emmanuel Caille